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certain nombre d’affaires extraordinaires par douze receveurs-généraux qu’il réunit et qui s’en chargèrent sans remise ni bénéfice, ne demandant que des frais de bureau. L’économie qui devait en résulter donna faveur à la nouvelle institution, Elle eut un directeur-général à Paris et un caissier, le sieur Legendre, qui donna son nom à sa caisse. Elle était chargée de recouvremens et de paiemens montant à des sommes considérables ; ce mouvement de fonds devait lui laisser toujours des disponibilités qui serviraient de gages aux billets payables à terme qu’elle était autorisée à émettre. Du 1er janvier 1710 au 1er avril 1715, la caisse Legendre, gérée avec intelligence put fournir au paiement des troupes et aux dépenses les plus urgentes ; elle négocia les emprunts de l’état et toutes ses opérations en argent et en papier ; « elle fit presque toutes les fonctions du trésor royal. » Mais quand il n’y eut plus d’affaires extraordinaires, le mouvement de fonds, qui était la base de son crédit, cessa. Ses billets étant devenus la seule ressource du contrôleur-général et étant encore estimés du public, on en força la circulation sans pouvoir renouveler ses encaissemens. Desmarets lui-même explique, dans le mémoire qu’il présenta au régent, en 1715, quand déjà il avait quitté le contrôle général, que « l’impossibilité de procurer des ressources à la caisse Legendre, dans un temps où l’argent était fort resserré, a été la cause que son crédit est tombé et qu’on n’a pu le relever jusqu’à la mort du roi. » Au mois d’août 1715, ses billets en circulation montaient à 32 millions : ils étaient en souffrance et dépréciés comme les promesses de la caisse des emprunts et comme les billets des trésoriers de l’extraordinaire.

Le montant total des effets royaux émis par l’état, et en circulation, s’élevait à 600 millions à la mort de Louis XIV. Des ordonnances et des assignations sur le trésor avaient été délivrées en paiement des dépenses publiques, pour au moins 300 millions : une somme égale, non encore ordonnancée, était due pour des dépenses faites. Les finances des offices et des augmentations de gages supprimés à la paix, et qu’il fallait liquider et rembourser, s’élevaient à environ 200 millions. Le capital des rentes perpétuelles et viagères était de 941 millions. La dette générale de l’état, comprenant encore quelques élémens de moindre importance, montait, à la mort de Louis XIV, à 2 milliards 382 millions de livres, dont 1,200 millions étaient immédiatement exigibles. Or la valeur intrinsèque de la livra étant, le 1er septembre 1715, de 1 fr. 78, ces 1,200 millions représentaient une quantité d’or et d’argent égale à 2 milliards 136 millions de nos francs, valeur absolue, et à 4 milliards, valeur relative, si on tient compte de la différence entre le pouvoir de l’argent aux deux époques.