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venir qu’en carrosse qui vont (sic) difficilement sur le bord de la Moldau. J’ai fait occuper la droite dans la cour du château par les grenadiers de mon escorte, aussi bien que par les carabiniers ; en dehors, toutes les sentinelles qui ont été mises aux portes ont occupé la droite, et celles de M. de Königseck la gauche. J’ai exposé la volonté où avaient toujours été le roi et M. le cardinal de procurer la pacification générale ; que la démarche que venait de faire le roi de Prusse avait engagé Son Éminence à m’envoyer les pleins pouvoirs pour me mettre en état de faire cesser les troubles qui agitaient l’Allemagne, autant qu’il pourrait dépendre de Sa Majesté, persuadée qu’on n’exigerait jamais d’elle rien qui ne fût convenable à la dignité de sa couronne, à ce qu’elle devait à elle et à ses alliés. »

L’Autrichien répondit avec une politesse extrême, mais avec une froideur visible. On remarqua même (et probablement l’observation fut faite par des assistans qui se tenaient à distance) qu’il évita de tendre la main au maréchal de Belle-Isle. Mais, sur le roi de France et même sur le cardinal, il s’exprima dans des termes d’une parfaite convenance. « M. de Königseck m’a répondu que la reine sa maîtresse n’avait pris les armes que pour sa propre défense, qu’elle avait fait à plusieurs reprises les offres les plus avantageuses, qui avaient toujours été rejetées, ce qui l’avait obligée à avoir recours successivement à toutes les puissances d’Europe, qu’elle avait enfin trouvé des alliés sans lesquels elle ne pouvait rien faire ; il m’a nommé le roi d’Angleterre, la Sardaigne et la Russie,.. que M. le cardinal étant l’âme de tous ceux qui avaient agi contre elle, c’était à lui à proposer un plan tel qu’il le jugeait convenable ; que la situation de la reine sa maîtresse étant aujourd’hui fort différente, il convenait que les conditions le fussent à proportion. Il a parlé de M. le cardinal avec toute la considération possible. Il s’est loué de toutes les marques de bonté et d’amitié qu’il en avait reçues en toute occasion, et il a conclu que si nous voulions efficacement la paix, nous devions commencer par évacuer la Bohème et par faire cesser le dommage que nous causions. »

Cette proposition n’avait rien d’excessif, et Belle-Isle, qui s’y attendait, ne put faire difficulté de le reconnaître ; mais, bien que ses instructions ne lui eussent tracé à cet égard aucune ligne de conduite précise, la condition ne lui paraissait possible à accepter qu’autant que, par une juste compensation, les troupes autrichiennes seraient le même jour retirées de la Bavière. Une fois les choses mises ainsi en état et chacun rentré dans son bien, un armistice, fit-il observer, pouvait être conclu honorablement comme le prélude d’une paix générale à laquelle les alliés des deux partis