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principaux, en citant, ici ceux qui, par leur importance et leur beauté, nous paraissent marquer dans son œuvre.

Les quatre grands paysages-peints pour le prince Panfili ; et qui, aujourd’hui encore, font l’ornement de la galerie Doria, ne sont point datés, mais il est probable qu’ils appartiennent au début de la maturité de l’artiste ; Le plus célèbre, le Moulin, est-surtout remarquable par sa large et belle ordonnance. Une impression de calme et de bienfaisante sérénité se dégage de ces campagnes riantes, de ces côtes aux contours gracieux et de cette rivière dont les eaux, barrées par la retenue du moulin qui a donné son nom à la composition, s’étalent au centre même du tableau et reflètent l’azur du ciel dans leur immobile miroir. L’exécution cependant n’est pas ici exempte d’une certaine sécheresse, et, quoique moins vanté, le Temple de Délos de cette même collection nous paraît supérieur. Le faire y a plus d’ampleur et de souplesse, et les timidités dont il présente encore la trace ont un charme d’ingénuité qui s’allie délicieusement aux colorations fraîches et matinales de la nature. Des deux grands paysages de la galerie Borghèse, l’un surtout mérite d’être cité pour sa belle conservation, pour la clarté argentine de sa lumière, pour la richesse et l’élégance des beaux arbres derrière lesquels apparaît une contrée fertile, avec la silhouette du cap Circé et la mer à l’horizon. Sans aucun artifice, le ciel est, dans sa pureté, d’une profondeur et d’une transparence admirables. Le musée de Naples et ; le palais Madame, à Turin, possèdent aussi des paysages importans de Claude.

En Allemagne, le musée de Berlin n’a aucune œuvre de ce maître à nous montrer. Quant à la Pinacothèque de Munich, à côté des deux paysages : Agar renvoyée par Abraham, et Agar dans le désert, dont nous avons eu déjà occasion de parler[1] et qui tous deux sont datés de 1668, elle nous offre encore deux autres tableaux de Claude, dont l’un, daté de 1656, reproduit la jolie composition du Bouvier. L’autre, un Matin, bien qu’il soit un de ses derniers ouvrages et qu’il ait été peint en 1674, ne porte aucune trace de fatigue, la Fuite en Égypte et le Polyphème de la galerie de Dresde sont peut-être encore plus remarquables. Dans le premier de ces tableaux, les personnages qui lui ont donné son nom sont relégués au second plan, à peine visibles ; mais les beaux ombrages dont quelques arbres légers viennent à propos rompre la masse vigoureuse, les côtes qui, en s’abaissant vers le centre, laissent apercevoir des lointains d’un violet bleuâtre, les eaux courantes qui, après s’être épandues en cascades, forment, sur le devant, un bassin aux rives gazonnées et fleuries dans lequel s’abreuvent quelques bestiaux, tout cet ensemble heureux nous rappelle une

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1877.