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paraissent assez rassurantes pour le continent européen. Les mauvais présages et les mauvais bruits semblent avoir été emportés par la dernière heure de la dernière année. L’empereur Guillaume, à l’occasion du nouvel an, et dans les lettres qu’il a récemment écrites, n’a parlé que de la paix. On ne parle que de paix à Rome ; on ne parle que de paix à Saint-Pétersbourg aussi bien qu’à Vienne. Si, dans ces derniers temps, Il y a eu des froissemens ou des embarras entre certaines puissances, ils tendent à s’atténuer, et le ministre des affaires étrangères du tsar, M. de Giers, qui, après un séjour en Suisse, retourne maintenant en Russie en passant par l’Autriche, M. de Giers va sans doute dissiper les derniers nuages.

Il y a quelques mois, on ne parlait que de coalitions, d’armemens, de chocs inévitables, de la guerre pour le printemps. Aujourd’hui, tout s’explique : les princes n’ont voyagé depuis quelque temps que pour la paix ! il n’y a de coalitions que pour la paix ! Polémiques, défis et menaces ont cessé. Et en voilà jusqu’à la prochaine occasion. C’est, dans tous les cas, fort heureux que les agitateurs de la politique européenne consentent à prendre quelque repos et que les polémistes, toujours prêts à mettre l’épée au vent, laissent le monde respirer un peu, attendre le printemps sans des émotions trop vives. Ce n’est point d’ailleurs qu’à défaut de ces collisions, toujours redoutées et jusqu’ici prudemment détournées, les questions manquent aujourd’hui pour occuper les gouvernemens et les peuples. Des questions, il y en a partout, dans tous les pays et de toutes les sortes. La Russie, en ce moment même, semble menacée d’une recrudescence du nihilisme révolutionnaire, qui vient de se manifester par un nouveau meurtre. M. de Bismarck, en Allemagne, se débat avec ces plans de réformes économiques qu’il poursuit, qu’il reproduit obstinément, et avec ses négociations pour le rétablissement de la paix religieuse. Le gouvernement de l’Autriche-Hongrie a des embarras dans toutes les parties de l’empire, et si le chef du cabinet cisleithan, le comte Taaffe, vit laborieusement au milieu de toutes les nationalités qui se disputent la prééminence, le chef du cabinet de Pesth, M. Tisza, voit se former devant lui une opposition des magnats qui ne laisse pas d’être inquiétante. La France, en dehors de ses incohérences intérieures, a ses expéditions lointaines. L’Angleterre elle-même, à part l’Irlande, a cette question égyptienne qui prend des proportions et un caractère de jour en jour plus graves. Voilà pour un début d’année, un bagage d’affaires et de difficultés, qui suffiraient à occuper pendant bien des mois l’activité des cabinets et des parlemens. sans qu’on vienne y ajouter le souci toujours renaissant des grands conflits européens dont on menace quelquefois le monde.

Le fait est que pour le moment, entre toutes les puissances, l’Angleterre a sa part d’embarras avec cette question égyptienne dont elle a