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écrivains de l’Histoire auguste ; il croit que le dispensateur suprême des biens et des maux ne s’occupe que de l’être chétif dont la main tient le sceptre, et que les nations, quoi qu’elles fassent, ne provoquent jamais par elles-mêmes sa justice. Ce système simplifie peut-être l’étude de l’histoire ; il a l’inconvénient de ne point tenir compte des honnêtes intentions et de ne réserver que le blâme aux courageux efforts, lorsque le succès leur manque.

Claude Ier, — Tiberius Drusus Claudius, fils de Drusus et oncle de Caligula, — Claude 1er, honoré du double surnom de Germanique et de Britannique, était mort en l’année 54 de notre ère, d’un trépas trop subit pour qu’il n’en courût pas dans Rome quelques méchans bruits : il fallut attendre près de soixante-dix ans avant de retrouver un empereur géographe[1]. Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus, Domitien, Nerva, Trajan lui-même, n’ont peut-être pas été tout à fait indifférens à la marine ; l’histoire n’a pas gardé trace des services qu’ils ont pu rendre à la géographie. Galba, Othon et Vitellius n’en auraient pas eu, il est vrai, le loisir, mais Vespasien eut plus de temps devant lui : pendant ses dix années de règne, Vespasien se contenta de naviguer sur le lac de Génésareth ; il y défit les Juifs et leur tua plus de six mille hommes. Ce triomphe lui donnait sans doute le droit de faire frapper une médaille ; c’était, à mon sens, aller un peu loin que de vouloir consacrer le souvenir de la défaite des Israélites par le bronze ambitieux qu’ont recueilli nos numismates. Ce bronze représente, en effet, une Victoire montée sur la proue d’un vaisseau, une couronne et une palme à la main, avec cet exergue : Victoria navalis. Les victoires navales, ce sont celles qu’on remporte sur l’eau salée. Il y a eu de très beaux combats livrés sur les grands lacs de l’Amérique, des lacs auprès desquels le lac de Génésareth paraîtrait à peine un étang ; ces combats n’ont jamais pu cependant arriver à la notoriété du combat du Sharmon et de la Chesapeake : ce qui se passe sur l’eau douce est affaire de mariniers.

Sous le règne de Titus, la flotte d’Agricola fit le tour de l’Angleterre par le nord ; elle reconnut de nouveau les Orcades et l’Irlande. Peut-être Agricola eût-il poussé plus loin, peut-être l’eût-on vu, après avoir visité « les sept îles Émodes, en face de la Germanie, le golfe Codan avec sa grande île occupée par les Teutons, aller aborder aux rivages de Thulé ; » Domitien, que l’espoir de ces grandes découvertes touchait peu et qui n’avait qu’un goût très médiocre pour l’hydrographie, se hâta de rappeler Agricola et de le condamner à une obscure vieillesse. Trajan aurait

  1. Voyez, dans la Revue du 15 novembre 1883, le Commerce de l’Orient sous le règne de l’empereur Claude.