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merveilles de l’art, immortel honneur de l’esprit humain, en ont été punis comme ils méritaient de l’être. L’art appartient à l’humanité tout entière ; les profanateurs, qu’ils soient Goths ou Vandales, n’y pensent toucher sans s’attirer l’exécration de la postérité la plus reculée. Malheureusement la victoire de Dexippe ne dot pas être bien décisive, car, quelques jours après, les Goths se répandaient dans l’Épire, dans l’Acarmanie et dans la Béotie. Thèbes, Argos, Corintbe, Sparte furent à leur tour saccagées.

Valérien était, en ce moment, prisonnier de Sapor ; son fils Gallien venait de se faire inscrire parmi les citoyens d’Athènes. Gallien se glorifiait d’avoir obtenu, dans une cité qui commandait toujours le respect, la charge honorable d’archonte : comment ne serait-il pas sorti de sa mollesse léthargique au bruit de ce flot d’hommes dont l’irruption menaçait de tout inonder ? Gallien accourut avec une armée. Les Goths comptaient parmi leurs alliés les Hérules, tribu sarmate qu’ils ramassèrent, dit-on, sur leur passage quand ils descendirent du bassin de la Vistule dans le bassin de l’Hypanis et du Borysthène. Le chef des Herules se laissa gagner par Gallien et entra au service de Rome. L’empereur lui fit des conditions dignes de la nation belliqueuse qu’il tenait à détacher, à cette heure critique, de la confédération des barbares : il le revêtit de la dignité consulaire. Rome n’existait plus que par ces compromis ; l’empire ne pencha jamais plus visiblement vers sa chute. Les Goths, déjà rassasiés de butin et de carnage, ne songeaient cependant qu’à opérer leur retraite. La retraite est le moment difficile de ces pointes audacieuses où la guerre ne peut être qu’une succession de hasards ; heureusement pour le salut de la plupart d’entre eux, les pirates du Pont-Euxin n’avaient pas brûlé leurs vaisseaux. Quelques-uns commirent l’imprudence de vouloir regagner les plaines de l’Ukraine à travers la Mœsie ; ils trouvèrent sur leur chemin l’armée de Marcien et des populations ardentes à la vengeance. Gallien commença par battre ces bandes dispersées dans l’Iillyrie ; Marcien acheva le massacre en les poursuivant jusque dans les défilés du mont Gessacus. La majeure partie des Goths avait, nous l’avons dit, eu la sagesse de se rembarquer. La flottille brûla, en passant, le temple de Diane à Éphèse, temple sept fois incendié et sept fois rebâti, ravagea la cote de la Troade et entra enfin dans l’Hellespont. A partir de cet instant, les Goths purent se regarder comme sauvés ; aucune force navale n’était de taille à leur barrer la route. Ils traversèrent sans encombre la Propontide, le Bosphore de-Thrace, et, — ce qui prouve bien la sécurité complète de leurs mouvemens, — allèrent se reposer de leurs fatigues à Anchiale, ville de Thrace bâtie sur le littoral, au pied du mont Hémus. Jornandès prétend qu’ils y firent une cure d’eaux ; « les eaux thermales, qui