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pendant trois mois, avoir la certitude de trouver le bon lit où l’on répare les fatigues du jour, dormir en paix sans voisinage inquiétant, être accueilli par le conseil qui redresse, par la parole qui fortifie, c’est bien souvent être sur le seuil du salut. Ce n’est pas tout, car, en cas de maladie, on est soigné dans la maison même et c’est un grand bienfait que de savoir que l’on évitera l’hôpital, qui cause aux pauvres gens une terreur d’autant plus vive qu’elle est sans motif et qu’elle repose sur des légendes absurdes que la réalité ferait évanouir si l’on se donnait la peine de la regarder de près. Le peuple de Paris vit de confiance sur un certain nombre de fables que les ancêtres lui ont léguées, qui se sont perpétuées de siècle en siècle et que « le progrès des lumières » n’a guère pénétrées, car elles sont aussi bêtes et aussi fausses qu’au premier jour. Nos hôpitaux sont excelle us, et ils seront irréprochables lorsqu’on leur aura rendu les sœurs hospitalières.

Au chômage, il n’y a point de chambres séparées, comme pour les dames pensionnaires et pour les institutrices ; il en faudrait trop, car le nombre est grand des femmes qui s’adressent à la maison de la rue de Maubeuge pour fuir la promiscuité et le péril des garnis, où « on loge à la nuit. » De vastes dortoirs sont à leur disposition, où les lits sont épais et les lavabos bien outillés ; de sept heures du soir à sept heures du matin, elles sont tenues d’être présentes au logis ; pendant le jour, on est en quête, comme disent les veneurs, et bien souvent l’on rentre après avoir fait buisson creux. C’est du chômage qu’est née l’Œuvre des jeunes poitrinaires. Bien des femmes sont venues au dortoir commun, non point parce qu’elles étaient sans place, mais parce que l’état de leur santé les forçait à quitter la place où elles ramassaient le pain quotidien. Les sœurs avaient remarqué qu’un grand nombre de jeunes filles « en hospitalité » étaient atteintes de maladie des voies respiratoires, et, sans qu’aucun projet de création d’une œuvre nouvelle germât dans leur esprit, elles s’étaient dit que Paris avec ses logemens insalubres, ses chambres obscures et sans air, l’agglomération des locataires dans les mêmes vieilles maisons, était impitoyable pour les enfans de constitution délicate. Vaguement l’on avait rêvé de larges infirmeries baignées de soleil, où l’on pourrait accueillir et soigner ces êtres débiles qui dépérissent, meurent dans leur milieu et qui peut-être se vivifieraient ailleurs ; mais on n’était à Paris que depuis quelques années, les charges des premières installations avaient été lourdes ; c’est à peine si l’école, si le pensionnat, si le chômage subvenaient à leurs besoins ; lorsqu’on avait des malades, — et on en avait souvent, — on était contraint de solliciter des offrandes, afin de ne point les laisser manquer de soins. On ajournait, on se disait : « Plus tard,