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sont des houilles plus ou moins grasses. On appelle ainsi la houille qui, mise en poudre et chauffée dans un creuset, fond et se prend en une masse solide. Si nous chauffons la houille grasse dans un vase clos, communiquant avec d’autres récipiens refroidis, il nous restera du carbone, mêlé seulement à quelques centièmes de sulfure de fer ; c’est le coke. Les produits de cette première distillation seront de deux sortes : un liquide épais, le goudron, et des gaz hydrocarbonés. Les gaz servent à l’éclairage. Il y a trente ans, le goudron ne servait à rien. Nous allons voir le profit qu’on en tire aujourd’hui.


II

Que se passe-t-il exactement dans la cornue de distillation ? Faut-il penser que le coke, matière légère et spongieuse, était en quelque sorte le squelette de la houille intimement uni aux matières plus complexes, et que la houille est un mélange de carbone pur et de carbone combiné ? Non ; la houille tout entière est un amas de substances composées de combinaisons du carbone avec d’autres corps. Ces combinaisons, la chaleur les modifie : les liquides goudronneux, les gaz que l’on recueille, n’existaient pas dans la houille ; ils se sont formés lorsque la température s’est élevée dans la cornue. Il reste du coke, parce que, dans les échanges qui se font, le carbone se trouve être en excès. Le goudron se fait dans la cornue de distillation. On ne le sépare pas du coke, on le fabrique. Et les corps que nous trouvons dans le goudron résultent de combinaisons provoquées entre ceux qui existaient dans la houille. Les beaux travaux de M. Berthelot ont apporté à cette opinion des preuves certaines.

M. Berthelot chauffe au rouge sombre le gaz acétylène. La molécule de ce gaz est composée de 4 atomes de carbone et de 2 atomes d’hydrogène. A la fin de l’opération, l’acétylène s’est condensé et s’est changé en un liquide, la benzine, qui a pour formule : 12 atomes de carbone et 6 d’hydrogène. Trois molécules d’acétylène se sont en quelques sorte soudées pour fournir une molécule de benzine.

L’expérience est brillante. Le gaz est enfermé dans une cloche courbe en verre vert, placée sur le mercure, et fermée à l’extrémité qui plonge dans le mercure par un bouchon de liège. Lorsque la température a atteint le rouge sombre, la cloche se remplit d’épaisses vapeurs blanches. Bientôt ces vapeurs se condensent ; des gouttelettes de benzine tombent de toutes parts. L’opération est poursuivie pendant une demi-heure. On laisse alors refroidir la cloche ; puis on enlève le bouchon : aussitôt, sous la pression