Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/672

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvent appliqués les plus profonds principes de la philosophie naturelle, entrevus par ces puissans inventeurs ! Ce ne sont plus les élémens terre, eau, air que nous distinguons ; ce sont les états de la matière : état solide, état liquide, état gazeux. Et nous concevons que toute substance définie, simple ou composée, doit pouvoir passer par ces trois états : c’est une question de température. L’état liquide succède à l’état solide, l’état gazeux à l’état liquide, sitôt que la chaleur, absorbée et transformée en mouvement, a rendu les molécules suffisamment mobiles et leur a communiqué une suffisante impulsion. La pression que le corps supporte est un obstacle à cette impulsion ; et pour vaincre l’obstacle il faut plus de chaleur absorbée. Mais sous la même pression, toujours le même degré de chaleur produira le même effet. Sous la pression de notre atmosphère, et avec la température moyenne : de nos climats, nous voyons le fer solide, l’eau liquide, l’oxygène gazeux.. Il est des parties même du monde habitable où l’eau est presque toujours solide, et nous pouvons imaginer des mondes incandescens où les métaux couleraient en ruisseaux. Car tous les corps, dans des conditions déterminées connues pour chacun d’eux, et quand le thermomètre indique le point fixé pour leur transformation, perdent leur rigidité, deviennent volatils et se subliment, comme disait la langue à la fois pédante et poétique des alchimistes.

Cependant ce triple phénomène n’a pu être constaté pour tous les corps. Les uns, comme le carbone, ne se subliment pas, même aux plus hautes températures que nos fourneaux puissent ai teindre. Les autres, produits de combinaisons, se décomposent ; la chaleur, devenue mouvement, ne sépare pas seulement les molécules, pour leur permettre de rouler les unes sur les autres comme celles de l’eau ou de s’envoler comme celles des gaz, mais elle rompt ces molécules ; les atomes composans se dispersent et entrent dans d’autres combinaisons. Ainsi s’est constitué le goudron. Alors la chaleur, qui avait été absorbée et changée en mouvement, reparaît sous sa forme primitive. L’état des corps réagissant les uns sur les autres et dégageant de la chaleur, ce quatrième état répond au quatrième élément des anciens, le feu.

Quand la chaleur est à son comble, toutes les combinaisons se détruisent, se dissocient, et les corps simples apparaissent isolés. Dans le soleil, les métaux doués des plus vives affinités chimiques, le magnésium, le calcium, ne se combinent pas à l’oxygène, ne sont pas brûlés, du moins au centre de l’astre. Mais leurs vapeurs incandescentes se subliment, montent vers la périphérie, où s’opèrent des combinaisons. Devenues plus lourdes en se refroidissant, elles retombent vers le centre, où les corps combinés se dissocient de nouveau. Ainsi s’établit, si l’on en croit les hypothèses actuelles