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précisément la crise, elles la dénaturent, elles l’enveniment, et, en y ajoutant des élémens factices, elles la compliquent jusqu’à la rendre insoluble. Les ouvriers eux-mêmes sont les dupes de ceux qui les exploitent en aigrissant leurs misères, en flattant leurs passions ou leurs préjugés, en leur soufflant la colère, en les excitant sans cesse à faire un dangereux usage de leurs droits. Qu’on prenne un seul fait : les ouvriers sont sans doute dans leur droit quand ils font des grèves, quand ils réclament la réduction des heures de leur travail, des augmentations de salaires, — le plus souvent les deux choses ensemble. Ils usent d’un droit, soit ; seulement ils ne s’aperçoivent pas qu’avec tout cela, le travail diminue forcément, l’industrie est obligée elle-même d’élever ses prix, et le seul résultat est d’appeler la concurrence étrangère, qui profite de cette situation pour inonder le marché français.

La difficulté est toujours d’aborder ces questions singulièrement compliquées, singulièrement délicates, et ce n’est point assurément la discussion de la chambre des députés qui semble propre à les résoudre ni même à les éclairer. La crise existe, tout le monde s’accorde pour le dire, les discours se pressent pour le constater. Quelle solution a-ton ? L’un propose d’ouvrir des ateliers nationaux pour remédier au chômage, pour donner du travail aux ouvriers qui n’en ont pas ; l’autre demande qu’on distribue des secours, qu’on se mette, sans plus tarder, à construire des cités ouvrières. Celui-ci est pour la mutualité, pour l’organisation de l’assurance universelle ; celui-là offre la panacée d’une commission d’enquête en permanence. Décidément la lumière ne se fait pas, le remède n’est pas trouvé ; la discussion n’est même pas relevée par un certain éclat de talent ou par la hardiesse, par la nouveauté des idées. Tous ces discours qui se succèdent sont vraiment d’une monotone banalité qui contraste avec les récens débats du sénat, et en fin de compte, M. le président du conseil seul a exprimé des opinions sensées, pratiques, en ramenant la question à des termes plus simples ; seulement, M. le président du conseil lui-même ne voit pas qu’une des causes de la crise mal définie dont on souffre aujourd’hui est peut-être la politique qu’on a suivie depuis quelques années. Au spectacle médiocre qu’il a eu depuis quelques jours au Palais-Bourbon, il peut s’apercevoir, dans tous les cas, que le remède ne consisterait pas à affaiblir les prérogatives de celle des deux assemblées qui vient d’attester sa supériorité dans la discussion des plus sérieux intérêts de la France.

Les affaires de l’Espagne ont toujours un peu d’imprévu ; elles ont du moins, si l’on veut, une logique particulière. On vient de le voir une fois de plus par le dénoûment des derniers débats parlementaires ; par ce coup de théâtre d’hier qui, en mettant fin à l’existence du ministère de la gauche présidé par M. Posada Herrera, a ramené au pouvoir