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nul doute ; il admet parfaitement une opposition, même une opposition avancée, pourvu, bien entendu, qu’elle reste dans la légalité, et on a pu remarquer, dans les derniers débats parlementaires, une sorte de cordialité entre le chef du parti conservateur et les chefs de la gauche dynastique ralliée à la monarchie. Le nouveau président du conseil de Madrid n’ignore pas que, par une réaction mal calculée, on ne ferait que rejeter dans un camp d’irrémédiable hostilité bien des esprits qui ne demandent pas mieux que de se rattacher à la royauté constitutionnelle d’Alphonse XII. M. Canovas del Castillo, avec ses lumières, avec ses instincts libéraux, ne peut donc être de propos délibéré un réactionnaire à l’intérieur. Il est sûrement encore moins disposé a engager l’Espagne dans des combinaisons extérieures qui ne pourraient que la compromettre sans compensation, et c’est, en vérité, de la part de certains républicains français, une singulière tactique de représenter déjà le nouveau ministère espagnol comme inféodé à la politique allemande. Chose curieuse ! c’est le cabinet libéral de M. Sagasta qui a décidé ou accepté, il y a quelques mois, le voyage du roi Alphonse en Allemagne ; c’est le ministre des affaires étrangères de ce cabinet, M. le marquis de la Vega y Armijo, qui a mis tout son zèle à célébrer l’alliance prussienne, — et c’est le ministère conservateur qui vient de naître, qui n’a encore rien fait, c’est ce ministère que nos républicains intelligens se hâtent à représenter comme appelé à inaugurer le règne de l’influence allemande à Madrid ! Par ses opinions, au contraire, le nouveau président du conseil est opposé à tout ce qui pourrait asservir l’Espagne à des intérêts étrangers, à des alliances onéreuses. M. Canovas et ses amis sont les successeurs d’un parti, l’ancien parti modéré, qui s’est toujours distingué par ses sympathies pour la France. Le nouveau ministère de Madrid n’est donc ni enchaîné à la politique allemande ni fatalement voué à la réaction, comme on le dit. Il est né d’une situation compromise par d’autres, et il aura bien des difficultés à vaincre, cela n’est pas douteux. C’est à lui maintenant de montrer qu’il peut gouverner utilement l’Espagne en lui assurant la paix intérieure et diplomatique dont elle a besoin.

Les affaires de la Hollande ne sont point aussi compliquées que les affaires espagnoles. Les ministères n’ont pas moins leurs embarras avec leur parlement : témoin le vote par lequel la seconde chambre refusait, il y a quelque temps, le budget des Indes, manifestant ainsi son opposition ou sa mauvaise humeur contre le ministre des colonies, M. Waanders, et contre le gouverneur général des Indes, M. Jacob. De cet incident il est résulté momentanément une situation assez difficile, un peu tendue. Le cabinet, présidé par M. Heemskerk, a voulu se tirer d’affaire, il a pris un grand parti ; il a appelé de Batavia un haut fonctionnaire, M. Sprenger van Kyk, dont il a fait un ministre