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suivant lequel « les travailleurs seraient amenés à demander la rémunération de leurs efforts de moins en moins au louage d’ouvrage et de plus en plus à l’association. » C’est donc, nous le répétons, le problème tout entier de l’organisation du travail que le gouvernement pose à la commission, ou plutôt qu’il se pose à lui-même et dont il a entrepris, devant l’opinion publique, le difficile examen.

Il ne saurait y avoir, au temps où nous sommes, de discussion plus opportune, ni plus utile. Le gouvernement nous y convie ; il nous fournit, par la publication de l’enquête, des documens authentiques : il nous livre les dépositions orales, les épanchemens familiers des patrons et des ouvriers qui ont comparu devant une commission prête à les écouter avec une grande bienveillance et sans aucun préjugé politique. Rien ne nous manque de ce qui peut éclairer un esprit sincère pour l’étude de cette question si ardue. Voici l’ordre dans lequel il convient de grouper les faits et les argumens. — Quel a été, de 1848 à 1870, le mouvement des esprits et le résultat des efforts pour organiser le travail dans le sens de l’association ouvrière ? — Quel a été, depuis 1870, d’après des documens produits par l’enquête, le résultat de ces mêmes efforts, et dans quelle mesure le régime de la « participation aux bénéfices » a-t-il concouru, avec le régime de l’association, à la réforme des anciennes conditions du travail, c’est-à-dire du salariat ? — Enfin, quelle est la valeur théorique et pratique des systèmes nouveaux que l’on recommande, soit à titre définitif, soit comme expédions, pour prévenir ou pour atténuer les crises de la main-d’œuvre ? — Ainsi divisée, l’étude de ce sujet si complexe et bien aride aura plus de clarté et de précision.


I

Ce fut au lendemain de la révolution de 18A8 que se produisirent les premiers essais d’associations ouvrières. Depuis que Louis Blanc avait publié, en 1839, sa brochure sur l’Organisation du travail, l’idée de l’association s’était répandue dans les ateliers, recrutant de nombreux prosélytes et fournissant au parti démocratique un mot d’ordre et une arme redoutable pour la révolution prochaine. L’avènement de la république de 1848 vint donner à Louis Blanc l’entrée dans les conseils du gouvernement et lui fournit l’occasion de mettre en pratique les doctrines auxquelles il devait sa popularité. Quelques associations se formèrent ainsi sous le patronage et avec le concours des délégués réunis au Luxembourg ; mais ce n’était là qu’un médiocre résultat, répondant mal à d’immenses