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il fut alloué au ministre de l’agriculture et du commerce un crédit de 3 millions destiné à être réparti entre les associations, sur l’avis d’un conseil d’encouragement spécialement formé par le ministre et aux conditions fixées par ce conseil. L’assemblée nationale admettait ainsi la demande d’une subvention de l’état, d’une prime en faveur des associations ; on peut dire toutefois qu’elle s’y résigna comme à un expédient plutôt qu’elle ne voulut la consacrer comme un principe législatif. Elle refusa de s’engager au renouvellement du crédit pendant dix ans, comme l’avait proposé M. Alcan : il ne s’agissait pour elle que d’une expérience. Le comité du travail paraissait d’ailleurs n’avoir qu’une médiocre confiance dans l’efficacité du procédé : son rapporteur, M. Corbon, tout en exprimant la plus vive sympathie pour le régime des associations, n’hésita pas à se prononcer très nettement contre l’intervention de l’état érigée en système et à combattre avec une grande vigueur les doctrines de Louis Blanc.

L’assemblée nationale ne se borna pas à voter la subvention de 3 millions ; ce qui importait le plus, c’était de donner du travail aux associations nouvelles. Ici encore on eut recours à l’état. Sur la proposition de M. Latrade, l’assemblée décida le 15 juillet que le ministre des travaux publics serait autorisé à concéder ou à adjuger certaines catégories de travaux à des associations ouvrières, et le décret du 18 août énuméra les conditions auxquelles était subordonnée la mesure, en même temps qu’il dispensait les associations du dépôt préalable d’un cautionnement et ne les assujettissait qu’à une réserve d’un sixième de garantie jusqu’à la réception définitive des travaux. Il convient de marquer la date de cette faveur accordée pour la première fois aux associations, contrairement aux règles et aux usages pratiqués en matière de travaux publics. Nous verrons plus loin, par l’enquête de 1883, que l’on sollicite aujourd’hui pour les ouvriers le même privilège.

Les dispositions de l’assemblée nationale pour les associations se manifestèrent sous toutes les formes et sans distinction de partis. Parmi les projets qui affluèrent à la tribune, comment ne pas signaler une proposition concluant à l’ouverture d’un crédit de 50 millions pour la colonisation de l’Algérie au moyen des associations de travailleurs ? Cette proposition, datée du 8 août 1848, portait les signatures de plusieurs membres de la droite et de représentans de la gauche ; elle avait pour parrains M. le comte de Falloux et M. Dupont (de Bussac), un radical, ou, comme on disait alors, un montagnard. L’effroyable crise de 1848 provoquait, dans un intérêt patriotique et sous l’impulsion d’un sentiment charitable, ces rapprochemens inattendus. Ceux-là même qui n’avaient pas la moindre