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plus loin, concourir aux examens publics pour les emplois civils et militaires, mais quelque titre qu’il obtienne, licencié ou docteur, il ne recevra jamais du gouvernement que des fonctions insignifiantes. Les individus attachés au temple de Confucius ou d’autres grands hommes, les faiseurs de cercueils, les couvreurs, les maçons, tous ceux, en un mot, qui ont un genre de travail ou des intérêts communs, créent des corporations afin de trouver aide et protection en cas de besoin. Il suffit, pour faire partie de ces associations, de payer une cotisation plus ou moins considérable. Les abatteurs de bœufs forment une classe à part, tenue pour plus vile que celle des esclaves. Cela vient de ce que, le bœuf étant un animal absolument nécessaire pour la culture, une loi défend de le tuer sans permission du gouvernement. De là une grande répulsion contre ceux qui les abattent. Ces parias d’un nouveau genre ne peuvent demeurer dans l’intérieur des villages, et c’est parmi eux que sont pris les exécuteurs des hautes-œuvres. Il est bon d’ajouter que le mépris public n’atteint que ceux qui tuent l’animal et nullement les bouchers qui vendent la viande.

Les esclaves, autrefois fort nombreux, ne sont plus qu’un petit nombre. Sont esclaves ceux qui naissent d’une mère esclave, ceux qui se vendent ou sont vendus par leurs parens comme tels, et enfin les enfans abandonnés qui sont recueillis et élevés par de riches Coréens. Leur maître a droit de vie et de mort sur eux ; s’ils usent toutefois de ce droit dans des circonstances ordinaires, ils sont justiciables des tribunaux. En somme, le sort de ces malheureux est préférable souvent à celui des villageois pauvres, et il n’est pas rare de voir des individus se donner à un noble pour se mettre à l’abri des violences des mandarins. Le gouvernement a ses esclaves qui le sont devenus par suite d’une condamnation en cause criminelle. Chez nous, ce sont des forçats. Les femmes de cette catégorie et qui sont la propriété des préfets de province, sont traitées comme des animaux. Livrées aux mandarins, aux satellites, aux valets, au premier venu, rien n’égale le mépris que l’on a pour elles, et la mort devrait être préférable à la servitude qu’elles subissent.

Les Coréens, qui ont tant de dureté pour le sexe faible, adorent leurs enfans et surtout les garçons. Ils ne sont jamais abandonnés ou exposés, du reste pas plus qu’en Chine, sauf les cas de grande famine. Parfois, aux époques de disette, des pères donnent ou vendent leurs fils, mais l’argent qu’ils peuvent acquérir par la suite est employé à les racheter. Le premier sentiment vertueux que l’on inculque à un enfant est le respect de son père. On ne lui demande aucune considération pour sa mère. Le fils ne doit jamais jouer devant celui auquel il doit la vie, ni fumer devant lui. En un mot, le respect filial est l’unique vertu des enfans coréens. Les adoptions