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l’influence de sa dominatrice. On trouve donc en Corée, ainsi que dans l’empire du Milieu, le même respect pour la science, la même vénération pour les grands philosophes et presque le même système d’examens littéraires pour les emplois et les dignités. Mais si, dans le Céleste-Empire, un individu, tout pauvre et humble qu’il soit, peut, ayant acquis des grades littéraires, devenir le premier mandarin de l’empire, celui qui échoue, fût-il fils d’un ministre et riche comme un Rothschild, est légalement incapable d’exercer une fonction publique. En Corée, c’est bien différent. La démocratie égalitaire n’existe pas, et si les Coréens ont le droit de concourir pour les plus hauts emplois, jamais ils n’obtiennent autre chose que des places insignifiantes, sans espoir de s’élever bien haut. Le noble qui a reçu son diplôme universitaire s’empare des meilleurs postes administratifs et militaires. À l’époque des examens, les étudians des provinces se mettent en route pour la capitale. C’est la terreur des villages qu’ils traversent, car, sous le prétexte qu’ils sont convoqués par le roi, ils commettent les plus grands excès. Quand arrive le jour des épreuves, ils se réunissent en masse dans un local fort étroit, où, en attendant qu’on les appelle, ils commettent toute sorte d’extravagances. Quelquefois ils restent plusieurs nuits dans ce local, car le nombre des élèves est de plusieurs milliers chaque année, et l’on peut s’imaginer dans quel état de fatigue et de malpropreté ils sortent de là.

Les examens passés, ceux qui ont obtenu des grades se hâtent de revêtir l’uniforme qui convient à leur nouveau titre, puis ils vont, à cheval, faire visite aux principaux personnages de la capitale. Pour que leur titre soit valable, il faut, comme dans certaines écoles et universités d’Europe, que le lauréat soit brimé. On lui barbouille le visage d’encre d’abord, de farine ensuite, et l’on mange et boit à ses dépens. S’il n’accepte pas le barbouillage de bonne grâce de la main de tous ses amis, on le lie comme un saucisson, on le frappe et on le suspend en l’air jusqu’à ce qu’il ait donné des marques de satisfaction et délié les cordons de sa bourse. Les grades que l’on acquiert sont ceux de bachelier, licencié et docteur. On peut gagner ce dernier, qui est le plus élevé, sans passer par les autres. Depuis plusieurs années, les nobles achètent, sans trop s’en cacher, grades et diplômes, et les véritables lettrés deviennent de plus en plus rares.

Les sciences exactes, la linguistique, les beaux-arts sont loin d’être en aussi grand honneur que les études littéraires et philosophiques. Les premières sont l’apanage d’une classe que l’on appelle en Corée « la classe moyenne » et qui se rattache à huit fonctions distinctes. La première, celle des interprètes, est très recherchée ; la seconde comprend l’étude de l’astronomie et l’art de choisir