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voudraient pas manquer d’observer la distinction entre les supérieurs, les égaux et les inférieurs dans leurs conversations. Lorsqu’on songe que la société se divise en trois castes bien tranchées, on est effrayé de la tâche que les auteurs ont entreprise et qu’ils ont, du reste, menée à bonne fin. Disons en passant que le verbe avoir n’existe pas en coréen ; il est remplacé par le verbe être. Ainsi : j’ai un livre, doit se rendre par : un livre est mien. M. Charles Vapereau, qui a publié dans un journal anglais de Shanghaï une intéressante étude sur l’œuvre des missionnaires, raconte qu’à Pékin il a eu l’occasion de voir beaucoup de Coréens et que quelques-uns d’entre eux seulement savaient parler chinois. Ceux qui s’exprimaient dans cette langue étaient presque tous de Eu-Thio, ville située près de la frontière de Chine ; c’étaient des marchands qui, chaque année, venaient dans la capitale du Céleste-Empire pour leur propre compte, ou bien encore des interprètes au service des mandarins chinois. Les mandarins coréens et le plus grand nombre des trafiquans et des interprètes peuvent écrire la langue mandarine, mais, chose étonnante, il est très rare d’en trouver, même de ceux qui n’ont qu’une éducation médiocre, écrivant leur propre langue.


Le bouddhisme, ou la doctrine de Fo, pénétra en Corée au ive siècle de notre ère ; puis, au xive siècle, la religion de Confucius le supplanta et devint en quelque sorte la religion d’état. Pour la masse du peuple, celle-ci consiste dans le culte des ancêtres et dans l’observation de cinq devoirs : envers le roi, envers les parens, entre époux, envers les vieillards et entre amis. Pour les lettrés, il faut ajouter : le culte de Confucius et des grands hommes, la vénération des livres sacrés de la Chine et enfin un culte de Sia-Trik ou génie du royaume. Qu’est-ce que ce Sia-Trik ? Les missionnaires ont souvent interrogé les Coréens à ce sujet sans jamais obtenir une réponse bien précise. Les uns désignent ainsi un être suprême, d’autres croient que c’est le ciel, le plus grand nombre ignore ce que cela veut dire. C’est lui que l’on invoque pour obtenir de la pluie ou de la sérénité dans l’atmosphère. Dans la capitale, son temple est ce qu’il y a de plus sacré : celui où l’on conserve les tablettes des ancêtres de la dynastie régnante ne vient qu’en second lieu. Un jour, M. Ch. Dallet disait à un Coréen que chaque homme avait une âme. Le Coréen ne voulait pas l’admettre. « Pour nous autres, disait-il, ce qui nous meut et nous anime, se dissipe avec le dernier souffle de la vie ; mais, pour les grands hommes, ils subsistent encore après la mort. » Dans chaque district se trouve un temple de Confucius. Ce sont de petits bâtimens assez beaux pour le pays, avec de vastes dépendances. C’est dans ces temples