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ment sa sécurité sur ses frontières orientales, tandis que l’indépendance du petit royaume coréen restait à jamais assurée si elle nouait des relations avec quelques grandes puissances étrangères. On a dit aussi, ce qui est probable, que les clauses du traité avaient été arrêtées à Tientsin entre le vice-roi Li-hung-chang et le commodore Shufeldt, un marin habile, doublé d’un bon diplomate.

Ce qui frappe dès la lecture du premier article, c’est l’habileté du plénipotentiaire chinois. En effet, la première chose demandée aux États-Unis, c’est de reconnaître la dépendance dans laquelle se trouve la Corée vis-à-vis de la Chine et de s’engager à ne jamais intervenir à ce sujet. Si le gouvernement de Pékin, mieux avisé, avait stipulé une reconnaissance semblable lorsque nous avons signé avec Tu-Duc notre traité de 1874, la question du Tonkin eût été tout à fait simplifiée. Aujourd’hui, ce n’est plus de sa part qu’une revendication de mauvaise foi, mise en avant pour les besoins d’une mauvaise cause. Voici cet article Ier : « La Corée est placée sous la dépendance de la Chine, mais elle sera à l’avenir indépendante pour ce qui concerne sa politique intérieure et extérieure. La Corée et les États-Unis acceptent le présent traité et s’engagent à en remplir loyalement toutes les conditions. Le président des États-Unis n’interviendra pas à propos de la dépendance dans laquelle restera la Corée vis-à-vis du Céleste-Empire… » On le voit, toutes les précautions sont prises pour que le traité soit profitable à la Chine : c’est le juste prix du concours qu’elle a prêté.

Dans les cinq premiers articles, les deux nations paraissent également bien partagées : chacun des états enverra un représentant à la capitale de la nation amie ; des consulats seront établis dans les ports ouverts au commerce ; les consuls ne devront pas s’occuper d’affaires commerciales ; si un navire américain est surpris dans les eaux coréennes par un coup de vent ou une tempête, les autorités devront expliquer aux indigènes qu’ils doivent porter recours autant que cela leur sera possible aux navires des États-Unis naufragés ou avariés[1]. Dans le cas où un indigène commettra un acte mettant en danger la vie d’un citoyen américain ou portant atteinte à sa propriété, l’auteur de l’attentat sera traduit devant un conseil indigène, jugé en présence du conseil des États-Unis et puni suivant les lois de Corée ; si, au contraire, le coupable est Américain et qu’il ait commis un acte semblable contre un Coréen, il sera jugé par le tribunal consulaire des États-Unis, et puni suivant les lois de son pays. Un jugement reconnu illégal sera jugé ou plutôt révisé par

  1. Il y a très peu d’années, un équipage américain naufragé a été massacré en Corée. Il n’y a pas eu réparation.