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Le choix des membres du nouveau cabinet n’était pas de nature à jeter une bien vive lumière sur la politique qu’ils allaient servit. Le poste le plus important, celui de secrétaire d’état, c’est-à-dire de ministre des affaires étrangères, fut donné à l’habile politicien de New-York qui avait si bien conduit la campagne électorale. Martin van Buren, qui n’était ni un orateur ni un homme d’état, avait, à défaut de talens supérieurs, tous les dons secondaires qui assurent le succès dans les coulisses de la politique. Ce petit homme, d’une politesse exquise, d’une rare correction de tenue et de langage, d’un tact qui ne se démentait jamais, attirait et tenait sous le charme ceux dont il recherchait le concours ou l’appui. Il joignait à une grande finesse d’observation une merveilleuse connaissance des côtés faibles de la nature humaine et possédait au suprême degré l’art de les exploiter au profit de ses idées ou de ses intérêts. On l’avait surnommé le Petit Magicien, et il ne lui déplaisait pas de s’entendre appeler par ses flatteurs le Talleyrand américain. Ses collègues étaient des hommes sans notoriété et de médiocre valeur, assez habilement choisis d’ailleurs au point de vue de la répartition des grands emplois publics entre les différentes parties de l’Union. Les fonctions de secrétaire de la trésorerie, les plus importantes après celles de secrétaire d’état, furent confiées à Samuel Ingham, homme d’affaires expérimenté, mais membre peu marquant du congrès, dont Jackson voulait récompenser les services électoraux dans l’état de Pensylvanie. Deux sénateurs du Sud, choisis comme Ingham parmi les amis personnels et politiques de Calhoun, John Brandi, de la Caroline du Nord, et John M. Berrien, de la Géorgie, furent nommés l’un secrétaire de la marine, l’autre attorney-general. Le président donna le portefeuille de la guerre à l’un de ses familiers, le major Eaton, riche propriétaire venu de la Caroline du Nord dans le Tennessee. Il compléta le cabinet en y faisant entrer le postmaster-general, qui jusque-là n’en avait pas fait partie. Mac Lean, qui occupait ce poste important sous l’administration précédente, s’était, malgré sa situation officielle, déclaré ouvertement en faveur de la candidature de Jackson. Mais la répugnance qu’il manifesta pour une épuration du nombreux personnel placé sous ses ordres détermina le nouveau président à lui offrir un siège à la cour suprême et à lui chercher un successeur moins scrupuleux. Son choix se porta sur William Barry, qui, après avoir été le partisan de Clay, était devenu, au moment de l’élection présidentielle, un de ses adversaires les plus acharnés dans l’état de Kentucky.

Sous le régime américain, qui n’admet pas la responsabilité ministérielle, le cabinet n’a ni rôle constitutionnel ni existence légale. Toutefois les rapports des présidons des États-Unis avec