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intégralement publiée[1]. Elle n’apporte dans le débat aucun élément nouveau : toute l’argumentation de Jackson consiste à soutenir qu’ayant, au début de la campagne, offert à Monroe de s’emparer de la Floride, il avait dû se croire autorisé par son silence, et que, sa lettre n’ayant pu être ignorée de Calhoun, il était en droit de compter sur l’appui de ce dernier. Il part de là pour l’accuser de duplicité et de trahison, et pour déclarer qu’on en trouverait difficilement un autre exemple « dans l’histoire du monde. »

La publication de la brochure de Calhoun rendait impossible le maintien d’un cabinet dont faisaient partie trois de ses amis. Les relations avaient d’ailleurs cessé depuis plus d’un an entre les deux fractions hostiles de ce cabinet. Au mois d’avril 1831, Van Buren et Eaton donnèrent leur démission, et le président pourvut au remplacement de leurs collègues, à l’exception de Barry, qui conserva jusqu’en 1835 les fonctions de postmaster-general. Edward Livingston fut nommé secrétaire d’état ; Mac-Lane, secrétaire de la trésorerie ; Lewis Cass, secrétaire de la guerre ; Levi Woodbury, du New Hampshire, qui venait d’abandonner son siège au sénat pour faire élire à sa place Isaac Hill, devint secrétaire de la marine. Le président choisit pour attorney-general Taney, ancien fédéraliste et légiste distingué du Maryland.

C’était la première fois qu’on voyait aux États-Unis la dissolution d’un cabinet avant la fin d’une présidence. L’opposition affecta de présenter cette crise comme un symptôme d’affaiblissement et de décomposition des forces gouvernementales, mais, en réalité, la constitution d’un cabinet uni et discipliné, étroitement associé aux vues et aux tendances du président, assurait à l’administration une force nouvelle.

Le major Eaton reçut, à titre de compensation, pour le sacrifice de son portefeuille, le poste de gouverneur de la Floride[2]. Van Buren fut nommé, en remplacement de Mac-Lane, ministre plénipotentiaire à Londres. Il s’était déjà rendu à son nouveau poste lorsque sa nomination fut soumise à la ratification du sénat. Ses adversaires lui firent un grief des instructions qu’il avait données, comme secrétaire d’état, à Mac-Lane à l’occasion de la reprise des négociations relatives au commerce avec les Indes orientales, et dans lesquelles il le chargeait de représenter au gouvernement britannique que les dernières élections avaient enlevé le pouvoir au parti dont l’attitude avait compromis le succès des négociations antérieures. Ils insistaient, à bon droit, sur le grave inconvénient

  1. Thirty Years’ View, I, c. 53.
  2. Il fut, depuis, ministre d’Espagne, puis, se brouilla avec Jackson et se rallia vers 1840 au parti whig. Sa femme mourut oubliée en 1878.