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plus de 20 millions, selon les autres. M. Ferry et M. Tirard ont déclaré devant la commission qu’ils combattraient cette clause, que, d’autre part, la commission a décidé de maintenir. C’est à la chambre qu’il appartiendra de résoudre la question. La commission du budget a pris parti pour le gouvernement, et tout porte à croire que les dispositions financières du projet de loi actuellement en discussion devant la chambre en seront détachées pour être examinées spécialement à l’époque du débat sur le budget de 1885.

Le gouvernement avait fait encore une autre déclaration en vue de rassurer le monde financier. Fixant le montant du budget extraordinaire à 203 millions, il annonçait que le trésor n’aurait pas besoin de recourir à l’emprunt pour se procurer cette somme. Mais lorsqu’on a su que c’est par l’émission d’obligations quinquennaires et sexennaires que le ministère des finances entendait obtenir ces 203 millions, on s’est demandé en quoi celle émission différait d’un emprunt.

Telles sont les considérations qui ont convaincu la spéculation de l’impossibilité de faire réussir, dans les circonstances actuelles, un mouvement de hausse de quelque importance. Toutefois, comme les baissiers avaient un peu trop fortement pesé sur les cours, que l’argent se maintenait très abondant, et qu’à tout prendre, la situation politique et financière ne semblait receler aucun péril immédiat, les banquiers qui se sont chargés du fardeau de la nouvelle rente amortissable ont travaillé pendant les dix derniers jours du mois à relever les cours des rentes dans une proportion suffisante pour ramener et maintenir les prix de l’emprunt récent aux environs du taux d’émission. Ils ont obtenu sans peine ce résultat modeste, et depuis quelques jours les rentes se sont établies à un niveau légèrement supérieur aux plus bas cours cotés en février.

Les faits qui viennent de se passer depuis quelques mois prouvent de plus en plus clairement que, si les pouvoirs publics en France n’y prennent pas garde, les fâcheuses pratiques budgétaires auxquelles on doit le discrédit actuel des meilleures valeurs françaises et les inquiétudes sur l’avenir de nos finances accentueront la tendance qui pousse déjà, l’épargne à se détourner de nos fonds publics pour se porter sur certains fonds d’état étrangers qui n’ont cessé de voir leurs cours s’élever pendant que la baisse sévissait sur notre marché. Les fonds russes, autrichiens, hongrois, sont tenus depuis longtemps sur toutes les places du continent avec la plus remarquable fermeté. L’Extérieure d’Espagne a pu se relever à 60, grâce au retour des conservateurs au pouvoir à Madrid. C’est l’Italien surtout qui a profité des disposions moroses.des capitaux français à l’égard des rentes françaises, dispositions qui ne tarderaient pas à provoquer un déclassement redoutable, si d’aventure la chambre montrait quelque hésitation à repousser des