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1,000 francs; l’écart est diminué, mais il faut qu’il soit comblé, sinon l’œuvre périrait. On s’adresse à la charité, qui répond en donnant par une quête 720 francs, à une vente 6,450 francs, et enfin 30,768 francs par souscription ou de la main à la main. De sorte qu’au 31 décembre, toutes dépenses payées, on reste avec 115 pensionnaires dans la maison et 310 francs en caisse. Quelle opération financière ! on ne calcule pas, on n’hésite pas, on inaugure avec confiance la nouvelle année. En vérité, le proverbe a raison : il n’y a que la foi qui sauve.

L’économie qui préside aux dépenses de la maison est prodigieuse et explique en partie la hardiesse avec laquelle on se jette dans l’inconnu avec la certitude de ne pas succomber à la tâche. Pour bien comprendre le rapport ou, pour mieux dire, la différence qui existe entre les nécessités à pourvoir et les ressources dont on dispose, j’ai examiné les comptes de la cuisine et j’ai été stupéfait. La nourriture est bonne, substantielle et supérieure à celle de bien des ménages d’ouvriers. Régulièrement et chaque jour, les pensionnaires font quatre repas : au déjeuner, la soupe et du pain de la veille; au dîner, la soupe, un plat de viande et un plat de légumes; au goûter, du pain; au souper, la soupe et des légumes; le dessert est exceptionnel et n’est jamais servi qu’à l’époque de certaines grandes fêtes. La provende est donc abondante; pour l’année 1883, elle n’a coûté que 36,440 francs, ce qui représente une dépense quotidienne de 0 fr. 86 1/2 pour la table de chaque pensionnaire. Le vin est exclu des repas; pour le prix que l’on y pourrait mettre, on n’aurait que des liquides frelatés et malsains; on l’a remplacé par de la bière brassée dans la maison même. En récapitulant et en divisant les chiffres que j’ai cités, on voit qu’une femme hospitalisée rapporte 0 fr. 45 par jour et que son entretien revient à 1 fr. 42. Le déficit entraînerait immédiatement la perte de l’œuvre si la charité privée se ménageait et ne fouillait dans sa bourse.

Le ministère de l’intérieur, appréciant les services que l’on rend à la population parisienne, n’a pas hésité, je viens de le dire, à octroyer une subvention à l’Hospitalité du travail. Le conseil municipal a été saisi d’une demande de subsides qui a donné lieu à un incident que je ne pourrais, sans déloyauté, passer sous silence. M. Cattiaux, rapporteur, a dit : « cette œuvre est religieuse, et votre commission vous propose le rejet de la demande. Il vous semblera peut-être étrange que moi, qui, en principe, refuse toute allocation à une œuvre où l’idée religieuse trouve place, je vienne parler de l’œuvre de l’Hospitalité. J’ai visité hier l’établissement. J’y ai vu venir des femmes qui reçoivent gîte et nourriture et peuvent rester jusqu’à ce qu’on ait pu les placer. J’y ai vu aussi une grande