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hypothèses. Nous avons expressément supposé, il ne faut pas l’oublier, qu’il n’existe dans l’arme ni dans la maladresse du pointeur aucune cause d’erreur constante; il n’y a donc pas plus de chance, c’est l’hypothèse même, de tirer à droite plutôt qu’à gauche, trop près plutôt que trop loin. Faut-il s’étonner que le but se trouve au centre des divers points atteints dans une longue série d’épreuves? Si plus de la moitié se trouvait à droite, on en conclurait qu’une cause les y porte, et ce serait une erreur constante.

Un doute peut s’élever encore. Les erreurs constantes sont celles que l’on peut corriger, la maladresse est une cause fortuite, un tireur maladroit atteint bien rarement le but; au lieu de le cacher sous le sommet d’un dôme de projectiles, ne le laisserait-il pas au centre d’un grand vide? Diogène pensait ainsi : « Un jour, voulant s’esbattre, il visita les archers qui tiroient à la butte ; entre iceux, un étoit tant fautier, impérit et maladroit, que lorsqu’il estoit en ranc de tirer, tout le peuple spectateur s’escartoit de peur d’être par lui féru. Diogènes l’avoit un coup ru si perversement tirer, que la flesche tomba plus d’un trabut loin de la butte ; au second coup, le peuple, loin de côté et d’autre, s’escartant, il accourut et se tint en pied, jouxte le blanc, affirmant cetuy lieu être le plus sûr et que l’archer fériroit tout autre lieu, le blanc seul être en seureté de traict. » La plaisanterie fit rire. Il n’aurait pas fallu recommencer souvent; les gouttes d’eau, guidées par le hasard, n’épargnent à la longue aucun pavé. Pourquoi les boulets, non moins nombreux, c’est l’hypothèse, éviteraient-ils le point vers lequel, adroitement ou non, on s’étudie à les diriger tous ?

Dans la formule de probabilité des erreurs, la rigueur, nous l’avons avoué, n’a pas été mise ; l’axiome supposé est loin d’être évident ; les conséquences sont comme lui discutables.

Dans les concours de tir à la carabine, chaque tireur ayant droit à un certain nombre de balles, on décide du mérite de chacun par la distance moyenne de ses balles au but. La formule consultée prescrirait une autre règle : c’est la plus petite moyenne du carré des écarts qui caractérise le plus adroit. La décision, je crois, a été prise pour l’armée belge ; la théorie cette fois inspire peu de confiance. Le changement est de petite conséquence, et sur un grand nombre d’épreuves, toutes les méthodes s’accorderaient ; en cas de désaccord cependant, la première paraît préférable; toutes deux, la seconde surtout, traitent trop sévèrement le tireur, si adroit qu’il se soit montré, dont un coup s’est égaré des autres. Supposons, pour donner des chiffres simples, qu’un tireur ayant placé neuf balles à la distance moyenne 1 du but, la dixième s’en écarte à la distance 10. D’après la première règle, la moyenne générale étant 1,9, il sera