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de la caisse des emprunts, etc.,.. ou, sous la régence même, les billets de l’état. — Les violences contre les espèces en avaient fait refluer assez à la banque pour qu’elle pût, non sans peine quelquefois, satisfaire aux demandes de remboursemens. Les arrêts relatifs aux modes de paiemens avaient à peu près donné aux billets le cours légal-, mais la banque, en ajournant ou en retardant la distribution de ses espèces, avait pu éviter de fermer ses guichets et de donner à son papier le cours forcé. Une catastrophe prochaine était inévitable, mais elle pouvait ne pas être encore aperçue par le public, et elle ne l’était pas.

Les porteurs d’actions et les porteurs de billets furent donc surpris et consternés, le 21 mai, quand ils apprirent, par la publication d’un arrêt, que les actions étaient réduites à 8,000 livres immédiatement et ensuite de 500 livres par mois à partir du 1er juillet, jusqu’au 1er décembre où elles ne vaudraient plus que 5,000 livres, et que les billets étaient réduits d’un cinquième immédiatement et d’un vingtième par mois, jusqu’au 1er décembre, où ils descendraient à moitié de leur valeur actuelle. Toutefois ils pourront être reçus pour leur valeur entière, jusqu’au 1er janvier 1721, en acquisition de rentes viagères que la compagnie est autorisée à créer. — Les lettres de change, tirées ou endossées à l’étranger pour y être payées en France y seront acquittées en billets, suivant la valeur de ces billets connue dans le lieu et le jour où elles auront été souscrites.

Un long préambule expose le sophisme qui sert de base à l’arrêt. Il affirme que l’usure, en élevant le taux de l’intérêt jusqu’à exiger pour un mois ce qui devait être demandé pour l’année, a causé à la France plus de dommages que les dépenses des guerres de Louis XIV, a diminué le prix des terres et ruiné la noblesse, a paralysé le commerce et l’industrie. La fondation de la banque et de la compagnie des Indes a ramené l’ordre dans le royaume, rendu leur valeur aux terres, l’activité au commerce, le travail à l’industrie. Cependant des gens malintentionnés ayant formé le projet de détruire ces établissemens si utiles et si nécessaires, l’arrêt du 5 mars a dû soutenir leur crédit par l’affaiblissement de la monnaie, et ordonner la conversion des billets en actions et des actions en billets, a suivant la proportion la plus juste alors par rapport à la valeur des espèces. » — Il restait à rétablir le prix des espèces, « dans une proportion qui convînt au commerce et au débit des denrées ; » c’est ce qu’a fait la déclaration du 11 mars, qui a ordonné la réduction du cours des espèces. « Mais comme ces réductions doivent nécessairement produire une diminution non-seulement sur le prix des denrées et des biens meubles, mais encore sur le prix des terres et autres immeubles, le roi a jugé que l’intérêt général de ses sujets demandait