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les gens du roi au Louvre... Le roi, instruit par le maréchal de Villeroi, répondit qu’il recevroit toujours son parlement avec plaisir. Ils allèrent ensuite au Palais-Royal : le régent les reçut très bien et dit qu’il ressentoit le malheur public, qu’il faudroit tâcher d’y remédier... Il envoya le même jour, à onze heures, M. de La Vrillière, secrétaire d’état, dire au parlement que tout seroit rétabli[1]

En effet, un arrêt du 27 mai ordonne, « que les billets de banque continueront toujours d’avoir cours sur le même pied et pour la même valeur qu’avant l’arrêt du 21 mai, que le roi a révoqué. » Les actions de la compagnie ne sont même pas mentionnées ; mais l’arrêt du 21 est révoqué en termes généraux. Le 29, un autre arrêt (enregistré le 31 par la cour des Monnaies) élève le cours des espèces, même au-dessus de celui que leur avait donné l’arrêt du 5 mars: il porte le marc monnayé d’or à 1,237 liv. 10 s., et le marc monnayé d’argent à 82 liv. 10 s. En mettant fin aux diminutions successives ordonnées par la déclaration du 11 mars, il abroge implicitement les dispositions qui devaient réduire la circulation monétaire à des pièces de 10 sols et de 5 sols.

L’arrêt du 27 mai était nécessaire, mais il ne pouvait rétablir la confiance, parce qu’il ne pouvait faire que celui du 21 n’eût pas été rendu et publié. La France avait su, et elle ne pouvait oublier que, dans la pensée du directeur de la compagnie des Indes, les actions avaient une valeur moitié moindre que celle qui depuis cinq mois leur était attribuée : quelle garantie avait-on que la nouvelle évaluation était plus sincère et plus vraie que la précédente et ne serait pas encore réduite ? La France avait su et elle ne pouvait oublier que le chef du gouvernement, le garde des sceaux et le contrôleur-général s’étaient trouvés d’accord pour proclamer que l’état ne pouvait rembourser intégralement des billets dont le roi s’était encore déclaré garant, le 23 février dernier, quand la banque avait été réunie à la compagnie : on les avait réduits de moitié ; ne les réduirait-on pas bientôt des 2/3, des 3/4, des 9/10? Dès qu’on croyait avoir le droit de les réduire arbitrairement, ils n’étaient plus qu’un papier sans valeur. Les porteurs d’actions étaient nombreux et intéressans ; ils l’étaient moins que les porteurs de billets. Ceux-ci n’étaient plus qu’en petit nombre, les enrichis de la veille ayant vendu leurs actions; car le sentiment qui les avait portés à réaliser leurs bénéfices les avait également portés à ne pas conserver les billets qui leur avaient été donnés en paiement et à se procurer à tout prix des immeubles, des pierreries, des diamans, de l’or et de l’argent. Les porteurs de billets, c’étaient les rentiers et les créanciers de l’état qui n’avaient pu trouver encore l’emploi

  1. Journal de Barbier.