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deue à mes prédécesseurs, il m’est deu autant ou plus de desvotion, parce que j’ay restably l’estat, Dieu m’ayant choisy pour me mettre au royaume, qui est mien par héritage et acquisition. Les gens de mon parlement ne seroient en leurs sièges sans moy. » Comme il leur dénonce ensuite les menées des opposans, ce qu’ils font ou laissent faire, et s’en empare pour leur imposer ses vues! « Je sçay bien qu’on fait des brigues au parlement, que l’on a suscité des prédicateurs factieux, mais je donneray bien ordre contre ceux-là et ne m’en attendray à vous. C’est le chemin que l’on prit pour faire des barricades et venir par degrez à l’assassinat du feu roy. Je me garderay bien de tout cela; je couperay la racine à toutes factions et à toutes les prédications séditieuses, faisant accourcir tous ceulx qui les suscitent. J’ay sauté sur des murailles de ville, je sauteray bien sur des barricades. » Suit une leçon de politique, adressée par le vainqueur d’Ivry aux magistrats trop belliqueux qui voudraient, à coup d’arrêts, provoquer une prise d’armes, « Ceux qui ne désirent que mon edict passe me veulent la guerre : je la declareray demain à ceulx de la religion, mais je ne la leur feray pas; vous irés tous, avec vos robes, et ressemblerés à la procession des capucins, qui portaient le mousquet sur leurs habits. Il vous feroit beau voir. » Enfin, il veut être obéi sans réplique, et qu’on l’entende : « J’ay aultrefois faict le soldat ; on en a parlé, et n’en ay pas fait semblant. Je suis roy maintenant et parle en roy. Je veulx estre obéi. A la vérité, les gens de justice sont mon bras droict, mais si la gangrenne se met au bras droit, il faut que le gauche le coupe. Quand mes regimens ne me servent pas, je les casse. » Il traite un peu mieux le parlement de Bordeaux, qui ne l’avait point trahi après le meurtre de Henri III, et pousse la courtoisie jusqu’à féliciter le président Chessac de Sun interminable harangue[1], mais maintient son programme avec la même fermeté : « Nous avons obtenu la paix tant désirée, Dieu mercy, laquelle nous couste trop pour la commettre en troubles. Je la veux continuer... Il y a longtemps qu’estant seulement roy de Navarre, je cognoissois dès lors bien avant vostre maladie, mais je n’avois les remèdes en main; maintenant que je suis roy de France, je les connois encore mieux, et ay les matières en main pour y remédier... J’ay fait un edict, je veux qu’il soit gardé. » Le parlement de Toulouse fut moins bien reçu: « J’aperçois bien, lui répondit-il, que vous avés encore de l’espagnol dedans le ventre. Et qui donc voudroit croire que ceux qui ont exposé vie, bien et estat et honneur

  1. « Monsieur de Chessac, non-seulement vous ne m’avés poinct ennuyé par trop grande longueur, ains plustost je vous ay trouvé court, tant j’ay pris de plaisir à yostre bien dire; mais je voudrois que le corps respondist au vestement. »