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puisera dans cet inconnu des merveilles qui ne tariront pas ; il y aura toujours des questions auxquelles la science ne pourra pas répondre. Ce mystère formera le fonds inépuisable des religions. » L’âme ne se soucie ni des anathèmes du Syllabus, ni des proscriptions de la libre pensée : elle croit, parce qu’elle ne peut pas ne pas croire ; l’idée religieuse, quel que soit le dogme qui l’enveloppe, est immortelle, car la religion est une affaire de sentiment. La science et la logique se sont épuisées à démontrer tantôt que Dieu existait, et tantôt que Dieu n’existait pas ; elles n’y sont point parvenues ; rien ne prévaut contre la foi. « Pourquoi crois-tu ? — Parce que je crois. » Nul argument, nulle démonstration ne remplacera cette réponse.

Nous savons tous de quelles attaques le catholicisme a été l’objet depuis une centaine d’années ; la puissance de l’église a pu s’affaiblir ; la puissance de la foi n’a même pas été effleurée. On mène grand bruit autour de l’incrédulité du siècle ; les dévots se désolent, les philosophes applaudissent. Dans cette question qu’ils semblent s’efforcer d’embrouiller, les uns et les autres ont tort. Ce n’est pas sans intention que j’ai fait un choix parmi les œuvres pieuses où vibre l’âme charitable de Paris. J’ai voulu prouver que notre temps, — ce temps d’assaut contre toutes les croyances, ce temps de perversité, d’iniquité, de désolation, d’abomination, — était aussi fertile que nul autre et que les moissons de sa foi s’épanouissaient au soleil. La fondation la plus ancienne que j’ai étudiée n’a pas cinquante ans. Voyez les dates : Petites-Sœurs des Pauvres, 1842 ; Sœurs-Aveugles de Saint-Paul, 1853 ; Asile des enfans incurables, 1858 ; Dames-du-Calvaire à Paris, 1874 ; Orphelinat des apprentis, 1876 ; Hospitalité de nuit pour les hommes, 1878 ; Hospitalité de nuit pour les femmes, 1879 ; Jeunes Poitrinaires, Hospitalité du travail, 1880 ; Dispensaire pour les enfans, 1883. À ceux qui parlent de l’impiété de Paris ceci peut répondre. Si l’on a, dans la même proportion, créé des œuvres contemplatives, je l’ignore et je n’y regarde ; je crois au travail plus qu’à la prière, à l’action plus qu’aux hymnes sacrées. Le secours porté à celui qui souffre, les soins donnés à la vieillesse infirme, l’adoption de l’enfance délaissée, doivent être plus agréables à Dieu que le murmure des oraisons. S’il y a un chemin vers le ciel, la charité en marque les étapes.

L’administration municipale, maîtresse en ses hospices et en ses hôpitaux, est résolue d’en exclure la charité qui y fructifiait ; elle a commencé cette vilaine besogne. Dans plus d’une maison hospitalière, les sœurs ont plié leur cornette et s’en sont allées chercher d’autres maux à guérir, d’autres plaies à panser. L’aumônier, lui aussi, a été congédié ; il est consigné à la porte comme un créancier exigeant, il doit attendre qu’on l’appelle ; on vient vers lui, il