Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

phabet. Ces dessins, malheureusement perdus, sont mentionnés, par exemple, à propos de la forme de la matrice et de la sortie des œufs de la seiche.

C’est assez dire qu’Aristote avait compris toute l’importance de l’anatomie comparée. Il faudrait trop citer pour donner la preuve complète de sa sagacité sur ce point. Rappelons seulement qu’il a distingué et défini, au moins en partie, ces diverses sortes de ressemblances des animaux que Geoffroy Saint-Hilaire devait désigner par les noms d’analogies et d’homologies. Il n’ignore pas non plus ce que Cuvier appellera la corrélation des formes ; il signale un grand nombre de ces corrélations qui depuis sont restées dans la science. Il entrevoit de même le principe de l’unité de plan de composition dans la série animale. Mais son génie synthétique ne l’empêche pas d’apercevoir les dissemblances ; le premier peut-être, il a déterminé la différence qui existe anatomiquement entre l’homme et le singe, en observant que, chez celui-ci, la conformation des os du crâne et de la face n’est pas la même que chez nous ; que, de plus, ses pieds ressemblent à des mains, ce qui l’oblige de se tenir bien plus souvent à quatre pattes que tout droit.

À l’anatomie comparée se joint la physiologie comparée. De toutes les fonctions communes à tous les animaux, celle dont Aristote s’est le plus occupé, c’est celle de la reproduction. Il en suit l’histoire et les procédés à travers tous les échelons de la nature vivante et en a fait l’objet d’un traité spécial qui passe à bon droit pour son chef-d’œuvre en zoologie. La critique même de M. Lewes, ordinairement sévère jusqu’à l’injustice pour les écrits scientifiques d’Aristote, s’avoue désarmée devant la magistrale ordonnance, les vues pleines de pénétration et de grandeur du Περὶ ζώων γενέσεως. Admirable dans le détail, l’ouvrage l’est peut-être plus encore par les généralités philosophiques qui marquent, en un langage élevé, le caractère divin de cette fonction universelle. Comment ne pas rappeler cette page, l’une des plus belles qu’ait inspirées la philosophie de la nature ? « À considérer l’ensemble des choses, les unes sont éternelles et divines, tandis que les autres peuvent être ou ne pas être. Le beau et le divin sont toujours, par leur nature propre, causes du mieux dans les choses qui ne sont simplement que possibles. Ce qui n’est pas éternel est néanmoins susceptible d’exister, et, pour sa part, il est capable d’être tantôt moins bien et tantôt mieux. Or l’âme vaut mieux que le corps, l’être animé vaut mieux que l’être inanimé, être vaut mieux que n’être pas, vivre vaut mieux que ne pas vivre. Ce sont là les causes qui déterminent la génération des êtres vivans. Sans doute, la nature des êtres de cet ordre ne saurait être éternelle ; mais, une fois né, l’être devient éternel dans la mesure où il est possible qu’il le soit… Au point