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mariant : celui d’élever son rang ; elle a le même intérêt en accomplissant tous les devoirs de la maternité.

L’existence de la femme n’est donc pas à critiquer, mais à louer, puisqu’elle est conforme à l’ordre établi par la Providence, et je connais bon nombre d’Européens qui seraient de cet avis s’ils l’osaient.

Ce sujet ne serait pas intéressant si je ne parlais pas du… concubinage : c’est le mot à effet de cette étude.

Le mépris qui s’attache au mot lui-même m’empêchera de trouver un lecteur impartial : car on peut avoir toutes les maîtresses du monde, hormis une concubine. Le mot seul excuse la chose. On eût dit que les Chinois avaient des maîtresses que pas la moindre critique ne les atteindrait. Ce sont des nuances qu’il est difficile de faire comprendre. La maîtresse ou la concubine diffère en Chine de la maîtresse telle qu’elle est en Europe, en ce que, en Chine, elle est reconnue : c’est une sorte de maîtresse légitime.

Il existe des circonstances, — elles peuvent exister, — où le mariage entre deux époux cesse d’être… ce qu’il doit être. Il peut survenir des raisons spéciales qui peuvent briser la carrière matrimoniale du mari. Souvent le changement d’humeur, les infirmités en sont la cause. En Europe, les hommes trouvent facilement des maîtresses, et le double ménage n’est pas une institution inconnue dans le monde chrétien. Dans nos mœurs, où le sort de l’enfant intéresse plus spécialement qu’aucun autre et où la prospérité de la famille est l’honneur même de la famille, cette dispersion des enfans nés en dehors du mariage eût été contraire aux usages admis. Le concubinage a donc été institué dans ce dessein, et il dispense l’homme de chercher ses aventures hors de chez lui.

L’institution en elle-même est très difficile à admettre, au premier abord, — pour un Européen, elle ne paraît pas délicate, — mais sous prétexte de délicatesse, on commet des crimes bien plus grands, lorsque des enfans issus de relations galantes seront jetés dans la vie avec une tache ineffaçable dans leur état civil et se trouveront sans ressources et sans famille. Je trouve ces maux plus graves que la brutalité du concubinage.

Ce qui excuse le concubinage, c’est qu’il est toléré par la femme légitime ; et le sacrifice qu’elle fait, elle en connaît la valeur, car l’amour lie les cœurs en Chine comme partout. Mais l’amour vrai calcule entre deux maux et choisit le moindre dans l’intérêt de la famille. Il ne faut donc pas voir dans la présence de la concubine au foyer de la famille un autre but que l’intérêt de la famille.

La monogamie est le caractère du mariage chinois. La loi punit très sévèrement toute personne qui aurait contracté un second