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M. GAMBETTA
ET
SON ROLE POLITIQUE

L’histoire de ce siècle, au lendemain de chaque révolution, nous présente un douloureux spectacle : le gouvernement tombé est couvert de reproches, d’accusations, d’outrages ; parmi ceux qui les lui prodiguent, on trouverait plus d’un de ses serviteurs, de ses complaisans de la veille, de ses complices. N’attendons pas que ceux qui nous gouvernent aient été précipités du pouvoir pour dire nettement et hautement ce que nous pensons de leur conduite. Les régimes déchus, même les pires, ont droit à une indulgente justice. Il y a quelque chose de bas et de grossier à accabler ce qui est à terre. C’est aux hommes encore debout, encore puissans, qu’on doit la vérité.

Si l’on jette sur les années que nous venons de traverser un coup d’œil d’ensemble, voici ce qui frappe le plus. Tandis que la France se donne à la république et lui confie sa fortune, son relèvement, son avenir, la république devient plus étroite, plus mesquine, plus soupçonneuse. Du 2 juillet 1871 au 20 février 1876, le parti républicain se distingue par ses aspirations nationales ; pendant la lutte du 16 mai, il est encore une grande école ; à partir du 14 octobre, il se laisse peu à peu absorber ou dominer par un groupe actif, remuant, ambitieux, que dirige un chef audacieux et entreprenant : nous avons nommé le groupe opportuniste et M. Gambetta.