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pétition des évêques[1], qui fit tant de bruit en son temps. M. Thiers prononce un discours plein de prudence et recommande à l’assemblée de ne pas se créer des embarras avec l’Italie. Les centres se rallient à l’ordre du jour de M. Marcel Barthe, qui s’en rapporte à la sagesse de M. Thiers. Les débats vont être heureusement clos, lorsque M. Gambetta, intervenant dans la discussion, oblige M. Thiers à accepter un ordre du jour différent. Le 30 août, il combat la proposition Rivet[2] et accuse l’assemblée d’usurpation[3]. Parfois il affecte de séparer la cause de M. Thiers de celle de la majorité. Le chef du pouvoir exécutif n’est pas dupe de cette tactique, mais il est obligé de ménager les amis de M. Gambetta, et il ne perd pas une occasion de dissiper le discrédit qui frappe l’ancien dictateur. Pour ne citer qu’un exemple, le 18 novembre 1872, l’assemblée, émue d’une harangue que M. Gambetta avait prononcée contre elle, supplie M. Thiers de le désavouer publiquement. M. Thiers ne répond pas. Le général Changarnier l’interpelle ; M. Thiers se tait. Le duc de Broglie le supplie de condamner l’insulteur des représentans ; M. Thiers refuse. Il ne peut toutefois empêcher une majorité considérable d’adopter l’ordre du jour de M. Mettetal[4], qui réprouve les doctrines de M. Gambetta. Une semaine après, quand le dissentiment éclate publiquement entre M. Thiers et les droites monarchiques au sujet du message du 13 novembre, M. Gambetta, si l’intérêt de la république l’inspirait, se rapprocherait du chef de l’état. Mais l’intérêt de la république, nous l’avons dit, n’est pas ce qui le touche. Le 14 décembre, le lendemain même du jour où l’assemblée nationale, — à une faible majorité, il est vrai, — a consolidé les pouvoirs de M. Thiers et affermi la république, M. Gambetta réclame la dissolution[5]. Le 28 février 1873, lorsque le centre gauche tout entier, désormais rallié à la république, s’efforce d’assurer au pays une organisation politique qui ne soit plus le provisoire, M. Gambetta vient faire de l’obstruction. D’accord cette fois avec une partie des droites, il se déchaîne contre le sénat et s’acharne contre la république conservatrice[6]. La révision est

  1. Les archevêques et évêques demandaient à l’assemblée et au gouvernement de garantir diplomatiquement l’indépendance du saint-siège.
  2. Elle donnait à M. Thiers le titre de président de la république.
  3. Il ne put achever son discours.
  4. C’est le jour où le général Changarnier accusa M. Thiers d’ambition sénile, maladresse que le duc de Broglie eut peine à réparer.
  5. C’était la troisième fois qu’il prenait la parole devant l’Assemblée ; il ne parvint pas à se faire écouter.
  6. Il faut se rappeler ce discours : « Nous, républicains, comment pourrions-nous consentir à ce qu’on examinât même la création d’une seconde chambre ? .. Si c’est la république conservatrice, ce ne sera pas la république… » C’est d’un supérieur bon sens.