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gauche aurait observé la neutralité envers l’église, à laquelle le centre droit devait, par nécessité autant que par sympathie, marquer quelque faveur, quoiqu’il soit absolument injuste et faux de répéter, comme on l’a fait si longtemps, qu’il obéissait à la direction des évêques. D’accord avec le centre droit sur la plupart des questions qui peuvent être soulevées dans les assemblées, le centre gauche ne s’en séparait pas, en principe, d’une manière irrévocable, sur la forme de gouvernement. Les principes fléchissaient alors devant les circonstances. M. de Rémusat, M. Laboulaye, M. Dufaure, membres influens du centre gauche, étaient des parlementaires que rien n’éloignait de M. Bocher, de M. d’Audiffret-Pasquier, de M. Buffet, de M. de Broglie, rien, si ce n’est peut-être quelque souvenir historique diversement interprété, quelque attache politique ancienne, quelque nuance dans les habitudes sociales, et, il faut bien le dire, cette dissidence d’intérêts qui corrompt si vite l’état-major des partis. Après le centre gauche, le groupe le plus influent du parti républicain était la gauche modérée. Les membres qui en faisaient partie n’avaient pas, en 1873, sur l’ensemble de l’opinion publique l’influence que le centre gauche tenait de M. Thiers. Mais c’était vers eux que le parti républicain tournait toutes ses pensées, c’était sur eux qu’il fondait toutes ses espérances. Leur effacement devant le centre gauche leur méritait le respect général ; la parole de M. Jules Favre, de M. Jules Simon, de M. Jules Grévy, leur donnait de l’éclat ; leur modération leur gagnait chaque jour de nouveaux adhérens, et il est juste de dire que c’est grâce à leur sagesse que le pays en 1876 a pris confiance dans la république. Quel était le programme de ce groupe ? Sur le mécanisme administratif, sur la pondération des pouvoirs, sur l’organisation de l’armée, sur l’institution judiciaire, sur les rapports de l’église et de l’état, sur presque toutes les grandes questions politiques, la plupart de ses membres avaient les mêmes vues générales que le centre gauche. Sur la forme du gouvernement, la gauche modérée voulait la république par principe, tandis que le centre gauche n’y était amené que par nécessité de circonstance. Il s’ensuivait entre les deux groupes une assez grande différence de tempérament. La troisième fraction républicaine de l’assemblée nationale, très confuse celle-là, quoiqu’elle portât le titre d’Union républicaine, obéissait à d’autres doctrines. Comme la gauche modérée, elle voulait la république, par principe, mais elle la voulait autrement. Elle devait transformer notre pays dans son administration, sa justice, son armée, son système d’impôts, son enseignement public, ses croyances. Ces profonds bouleversemens ne s’accompliraient pas sans un immense effort de propagande et de