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préoccuper de la prolongation d’une lutte qui mettait en péril de grands intérêts, commerciaux pour les unes, politiques pour les autres. Si les gouvernemens anglais et français s’inquiétaient des risques que couraient leurs nationaux établis au Pérou, le gouvernement des États-Unis ne voyait pas sans quelques appréhensions les succès du Chili, la conquête du sud du Pérou et l’extension dans l’Amérique du Sud, d’une puissance maritime et militaire qui se révélait tout à coup par d’éclatans succès et pouvait un jour aspirer à grouper autour d’elle ou à soumettre à ses lois des républiques indépendantes, divisées entre elles et inconscientes de la force que leur donnerait l’union. Ce que n’avaient pu faire les armées et la flotte du Pérou : arrêter la marche victorieuse et l’essor redoutable du Chili, la diplomatie le ferait peut-être ; tout au moins il importait de le tenter. Une intervention collective des puissances neutres demandait des pourparlers, du temps, et il n’y en avait pas à perdre au point où en étaient les choses. Au début de la guerre, la Grande-Bretagne avait offert sa médiation au Pérou, qui, confiant dans le succès, l’avait refusée. Le cabinet de Washington se décida donc à agir seul, et par l’intermédiaire de M. Thomas Osborn, ministre plénipotentiaire au Chih, fit faire des ouvertures à Valparaiso, à Lima et en Bolivie, offrant ses bons offices pour négocier la paix.

Ces ouvertures furent accueillies. De part et d’autre, on tenait à se concilier l’opinion publique et le bon vouloir des puissances neutres, surtout celui des États-Unis ; mais le Chili, victorieux, entendait bien ne rien abandonner de ses prétentions, et le Pérou, surexcité et confiant dans un succès prochain, était de son côté résolu à ne pas souscrire à un traité qui eût consacré sa déchéance. C’est dans ces conditions défavorables que les conférences s’ouvrirent à bord de la corvette des États-Unis le Lackawana, en rade d’Arica, le 22 octobre 1880.

Le Pérou était représenté par don Aurelio Garcia y Garcia et don Antonio Arenas ; le Chili, par son ministre de la guerre, le général Vergara, don Altamirano et don Eusebio Lillo ; la Bolivie, par don Mariano Baptista et don Juan Carillo. Le ministre des États-Unis, M. Osborn, présidait la conférence. Les plénipotentiaires chiliens exposèrent les demandes de leur gouvernement et les conditions auxquelles ils étaient autorisés à négocier. Le Chili réclamait : 1° la cession du territoire péruvien et bolivien jusqu’au 19e nord (cent lieues de côte) ; 2° une indemnité de guerre de 20 millions de piastres (100 millions de francs) ; 3° la restitution des propriétés confisquées aux Chiliens ; 4° la restitution du Rimac, pris en mer par le Huascar ; 5° l’annulation de l’alliance offensive et défensive du Pérou et de la Bolivie ; 6° l’occupation, par les forces chiliennes,