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détachement de cavalerie, mis à terre, explora le port et les environs ; nulle part on ne trouva trace d’ennemis. De son côté, l’amiral, longeant la côte à bord du Blanco, cherchait et trouvait à 5 milles au nord de Chilca la petite anse de Carayaco, où il décida d’effectuer le débarquement.

L’opération prit quatre jours et s’effectua sans incidens. On était à une journée de marche de Lurin, où se trouvaient les avant-postes de l’armée péruvienne, qui couvraient Lima. Le 22 décembre, cent cavaliers partaient en reconnaissance et constataient la présence à Lurin de détachemens ennemis. Il ne fallait pas laisser aux Péruviens le temps de concentrer des forces plus considérables sur ce point important. Lurin n’est qu’une bourgade, mais la petite rivière qui y coule était indispensable à l’armée chilienne. L’eau est tellement difficile à trouver dans ces pays sablonneux et brûlans que le plus mince filet d’eau joue un grand rôle dans les questions stratégiques. En ce moment même, la brigade Lynch, qui devait rallier Chilca, était arrêtée dans sa marche moins encore par un ennemi insaisissable qui la harcelait sans engager le combat, que par la nécessité d’élargir les aiguades autour desquelles hommes et bêtes altérés suivaient d’un œil avide les travaux et se disputaient quelques gouttes d’eau saumâtre. Les appareils distillatoires établis à bord des navires fonctionnaient bien sans relâche, mais ils étaient hors d’état de suffire aux besoins d’une armée, et si les troupes chiliennes avaient rencontré sur le Lurin une résistance sérieuse, leur situation fût devenue critique. Il n’en fut rien, et l’armée chilienne, refoulant les avant-postes péruviens, occupa Lurin sans combat, à la grande joie du camp, où soldats et officiers étaient hantés par la crainte du manque d’eau.

Le 25 et le 26, arrivait la brigade Lynch, rudement éprouvée par une marche de 180 kilomètres dans le sable et la poussière. Chaque heure il avait fallu donner un quart d’heure de repos aux troupes harassées ; aussi avait-on surtout marché de nuit. La brigade avait perdu peu de monde dans les quelques combats qu’elle avait dû livrer, mais la plupart des soldats cheminaient nu-pieds et faisaient porter leurs armes par un millier de Chinois, fuyards des plantations, qui suivaient l’armée avec l’espoir de piller Lima, et, en attendant, de gagner quelques réaux en se rendant utiles.

L’armée réunie à Lurin comprenait un effectif de vingt-quatre mille combattans, sans compter les équipages du train, les ambulances et les Chinois auxiliaires dont le nombre grossissait chaque jour et que l’on employait aux corvées du camp pour ménager les soldats. La première division marchait sous les ordres du colonel Lynch. La seconde était commandée par le colonel du génie Gana, qui