Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/480

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fâcheuses, il prévient d’avance les électeurs, les citoyens tranquilles « que ce qu’ils ont de mieux à faire, c’est de ne pas nommer des progressistes. »

Le chancelier de Berlin a-t-il persuadé ceux qui l’écoutaient ? Toujours est-il qu’il a, une fois de plus, réussi et que, soit sous l’influence de cette hautaine parole, soit par crainte d’une dissolution immédiate, on lui a donné la loi qu’il demandait ; le Reichstag s’est exécuté. Fort bien ! l’œuvre de la police est assurée. Il reste à savoir comment M. de Bismarck réussira à réaliser cette autre partie de son programme, qu’il a résumée lui-même en disant : « Donnez au travailleur le droit au travail, procurez-lui du travail, assurez-lui des soins quand il sera malade, etc. » Voilà qui est un peu plus difficile, en Allemagne comme dans bien d’autres pays, et si la nouvelle loi de police doit être maintenue jusqu’à la réalisation de ce programme, elle risque peut-être d’avoir une longue durée ; M. de Bismarck a le temps de songer à bien d’autres intérêts qu’il ne perd sûrement pas de vue, de dire plus d’une fois son mot sur la politique de l’Europe, sur ces affaires générales, où la question égyptienne est, pour le moment, la seule qui paraisse occuper la diplomatie, qui ait au moins une certaine importance pour les chancelleries.

Comment sortira-t-on maintenant de ces complications égyptiennes, qui sont en effet le plus sensible embarras du moment, sur lesquelles l’Angleterre, à bout d’expédiens, a cru devoir appeler l’attention des cabinets de l’Europe ? Le problème est certes des plus épineux, et parce que la situation de l’Égypte est arrivée à un point où l’existence même de la vice-royauté du Nil peut être en péril, et parce que les intérêts sont si complexes qu’on ne sait, en vérité, comment tout concilier. Tout est devenu obscur, précaire, difficile sur les bords du Nil, et, s’il en est ainsi, il faut bien l’avouer tout d’abord, c’est la faute du gouvernement britannique, qui, depuis son intervention, depuis qu’il a eu si aisément raison d’un mouvement d’insurrection assez factice, n’a pas réussi à exercer utilement la prépondérance qu’il venait de conquérir. Ce n’est point assurément qu’il ait été gêné ou contrarié depuis deux ans : il a eu toute liberté, il n’a eu à compter avec aucune opposition ; il a eu les avantages de la prépotence au Caire et à Alexandrie, il garde aussi la responsabilité d’un système de perpétuelles tergiversations qui a tout compromis, la sécurité extérieure de l’Egypte du côté du Soudan, aussi bien que l’ordre financier et l’ordre administratif de la vice-royauté du Nil. Ces affaires égyptiennes, en effet, elles ont été si étrangement conduites qu’elles sont forcément ramenées aujourd’hui sous la juridiction européenne par cet appel que l’Angleterre elle-même a cru devoir adresser à une conférence, et qu’elles deviennent une source d’embarras croissans pour le gouvernement de la reine vis-à-vis des partis. Elles en sont là à l’heure qu’il