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les ennemis de la maison de Hapsbourg courbaient la tête; le présomptueux électeur qui lui avait disputé la couronne impériale expiait sa témérité dans le dénûment et dans l’exil, tendant à ses vainqueurs une main suppliante et mendiant sa grâce dans le sens littéral et nullement métaphorique du mot; son patrimoine était occupé sans lutte et ravagé sans merci. L’étranger, qu’il avait eu l’imprudence d’appeler à son aide, l’abandonnait sans défense, inquiet lui-même pour sa propre sûreté. Ce n’était plus le sol germanique, mais bien le territoire français, qui, à son tour, était menacé. Du haut de la cathédrale de Strasbourg on apercevait les aigles autrichiennes prêtes à prendre leur vol pour aller s’abattre, au-delà du Rhin, sur les provinces arrachées par Louis XIV à l’empire. Avec une parole de paix prononcée à temps et de bonne grâce dans toute la joie du triomphe et au milieu de l’admiration universelle, la petite-nièce de Charles-Quint pouvait demeurer plus maîtresse de l’héritage de ses aïeux que ne l’avait été depuis un siècle aucun de ses prédécesseurs.

Aujourd’hui tout était à recommencer. Trois nouvelles armées françaises étaient sorties de terre. Le plus puissant des alliés de l’Autriche, menacé de la guerre civile et de l’invasion dans ses propres foyers, se sentait mal protégé par le bras de mer qui, en le séparant du continent, l’empêchait aussi d’y exercer une action tout à fait efficace. Sur la frontière prussienne, désarmée à peine depuis une année, on signalait de nouveau des mouvemens militaires, des transports d’armes, des rassemblemens de troupes d’autant plus inquiétans que le but en restait enveloppé de mystère. Devant cette renaissance de périls qui semblaient conjurés, qui ne penserait que Marie-Thérèse dût éprouver quelque repentir d’avoir laissé échapper une heure favorable et compromis tant d’avantages déjà assurés par l’excès et la rigueur de ses prétentions ! Sa conscience de mère et de chrétienne ne devait-elle pas lui reprocher aussi tout bas d’avoir, en cédant aux inspirations du ressentiment et de l’orgueil, exposé au hasard de nouveaux combats la couronne de ses enfans et privé ses peuples d’un repos déjà chèrement acheté?

Il ne semble pas que ni ce regret ni ce scrupule aient même traversé un seul instant l’âme de la princesse. On dirait, au contraire, que la pensée de se retrouver face à face avec des ennemis déclarés, entraînant à sa suite des alliés cette fois définitivement compromis, — sur un terrain dégagé de ces projets de transaction, de ces concessions et de ces compromis auxquels elle ne s’était jamais prêtée qu’avec répugnance, — lui fit éprouver un véritable soulagement. Ce sentiment étrange de délivrance se montra surtout dans ses rapports avec l’Angleterre, dont elle avait toujours accusé la mollesse dans l’action et la promptitude à accepter, parfois même à lui imposer,