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prétendant avaient un moment réuni autour de George tous ceux qui attaquaient ordinairement sa politique et même sa personne. Des adresses respirant la loyauté et le dévoûment furent votées à l’unanimité par les deux chambres et couvertes de signatures dans les comptoirs et les magasins de la cité de Londres : des mesures draconiennes allant même jusqu’à la suspension de l’habeas corpus furent décrétées contre les menées des conspirateurs jacobites, de larges subsides furent accordés pour la continuation de la guerre. La nation témoigna de toute manière que, si elle se plaignait souvent de trouver la dynastie nouvelle plus allemande encore qu’anglaise, elle lui savait au moins toujours gré d’être protestante. Mais le premier moment d’émotion passé, les dissidences ne tardèrent pas à reparaître. Précisément parce qu’on avait eu à craindre pour la sécurité de Londres même, le parlement ne s’en montra que plus disposé à exercer une surveillance jalouse sur l’emploi des deniers qu’il accordait; et le vieux reproche toujours fait à la dynastie de Brunswick de n’employer l’argent anglais qu’à la défense de ses possessions hanovriennes retrouva plus d’écho encore que par le passé. Le peu de fruit qu’on avait tiré de la victoire de Dettingue devint aussi un grief dont les alarmes mêmes des bourgeois anglais servaient à accroître et même à exagérer la gravité. Ce n’était donc pas une victoire, mais plutôt une fuite heureuse (a fortunate escape), s’écriait l’illustre Pitt. Bref, lorsqu’il fallut dresser l’état de l’effectif militaire dont on disposait, on constata que, déduction faite de ce qu’il fallait consacrer à la défense des possessions et du territoire anglais, le nombre de troupes qui restait libre pour tenir la campagne en Flandre se trouvait singulièrement réduit. Ce fut donc un cruel mécompte quand le duc d’Aremberg vint signifier à Londres qu’on ne devait compter sur aucun envoi supplémentaire de troupes autrichiennes. Dès lors, en additionnant toutes les ressources, y compris le contingent, toujours mal assuré, des Provinces-Unies, on ne trouvait plus que cinquante mille hommes à opposer à l’armée de plus de cent mille que conduisait le roi de France[1].

Dans cet embarras, ne voulant rien négliger, le cabinet anglais eut recours à un moyen extrême, dont, en conscience, il ne pouvait guère se promettre le succès. Il fit appel à Frédéric, en invoquant le traité d’alliance défensive conclu, comme je l’ai dit, dix-huit mois auparavant, et qui obligeait les deux souverains de Prusse et d’Angleterre à se venir réciproquement en aide si leurs états étaient menacés. L’envoyé anglais qu’on dut charger de cette démarche, notre ancienne connaissance, Hyndford, n’aimait guère, on l’a vu,

  1. Coxe, Pelham Papers, I, 455-460. — Droysen, t. II.