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faire auprès des états-généraux une démarche solennelle, en apparence pour les rassurer, en réalité pour mettre le comble à leur inquiétude, en ne leur laissant aucun doute sur les intentions de son maître. Le 23 avril, le jour même où le roi quittait Versailles, le marquis de Fénelon, de retour après une assez longue absence, demandait audience aux états-généraux et, se rendant au lieu de leur réunion avec tout l’appareil de sa dignité, dans un carrosse attelé de six chevaux, suivi de nombreuses voitures de suite et de toute sa livrée sur pied, il tint, en présence de l’assemblée, un discours qui ne dut pas durer moins d’une heure de lecture. Tous les griefs de la France contre l’Autriche et l’Angleterre y étaient éloquemment résumés ; tous les efforts faits pour ménager la république et la tenir en dehors du conflit engagé depuis trois ans, y étaient rappelés et mis en contraste avec l’insistance et les moyens de toute nature employés, au contraire, par le cabinet de Londres pour l’associer à ses vues ambitieuses.

« Dans le parti, disait l’ambassadeur, que le roi mon maître prend, il aurait voulu pouvoir continuer à pousser ses égards pour Vos Hautes Puissances et leur voisinage jusqu’à se dispenser d’attaquer la reine de Hongrie dans ses possessions des Pays-Bas; mais quel moyen a-t-on laissé à Sa Majesté de s’en abstenir? Comment peut-elle, autrement qu’en prévenant ses ennemis, se garantir de l’usage qu’on ne tarderait pas de faire, pour envahir ses propres frontières, de ces mêmes Pays-Bas qu’elle aurait respectés?.. Le roi peut-il voir cette armée répandue tout le long de ses frontières des Pays-Bas sans se servir de tous les moyens que Dieu lui a mis en main pour se tenir à l’abri d’être envahi en se mettant le premier en campagne? Vos Hautes Puissances pourraient-elles même attendre avec quelque lueur de justice que Sa Majesté s’abstînt d’attaquer ses ennemis d’un côté où elle n’a elle-même aucune sûreté qu’elle ne sera point attaquée?» L’Angleterre pouvait-elle alléguer des raisons aussi légitimes dans sa tentative d’entraîner la république à sa suite et de lui faire partager ses périls? Et ceux qui, dans le sein de la république elle-même, secondaient les vues anglaises, quels pouvaient donc être leurs motifs? « Peut-être en est-il, ajoutait Fénelon, de cachés dont la haine contre la France est le voile, et qui pourront tendre de plus d’une manière au bouleversement intérieur de votre état. Mais je ne m’ingérerai point d’approfondir cette matière, sur laquelle vous devez mieux connaître et mieux sentir que moi ce que vous avez à appréhender... Les annales de votre république indiquent suffisamment ce qu’il ne m’appartient pas de vous rappeler. « — Cette allusion discrète aux périls qu’avaient courus, un siècle auparavant, dans une crise semblable, les républicains d’alors, allait adroitement à l’adresse des républicains