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même condition que l’École normale, c’est le moins que l’on puisse faire : ses élèves n’auraient accès dans les administrations des ponts et chaussées, des mines, des tabacs, des télégraphes qu’après un concours ouvert aux candidats du dehors et pour lequel la limite d’âge pourrait être reculée : on ne l’a si fort avancée que parce que, l’École polytechnique étant à la fois militaire et civile, le ministre de la guerre, qui veut avoir des officiers jeunes, y fait la loi. Une pareille réforme serait un bienfait pour tout le monde : bienfait pour les écoliers, car leur cerveau serait affranchi de la tyrannie d’un examen prématuré; ils garderaient plus longtemps la liberté précieuse du choix de la carrière, et s’ils manquaient le but à la fin, ils seraient préparés à d’autres emplois; bienfait pour les corps des ponts et chaussées, des mines et des télégraphes, où la concurrence apporterait des forces nouvelles ; bienfait pour les facultés des sciences, qui joindraient une élite à leurs étudians actuels et prendraient ainsi dans la vie nationale la place qui leur revient.

Pour conclure, le gouvernement voudra-t-il mettre les institutions anciennes en harmonie avec les nouvelles? Fera-t-il ce qui est en son pouvoir pour que la jeunesse qui se destine aux carrières libérales soit élevée en commun dans les universités françaises? Il a groupé autour des facultés des sciences et des lettres un premier noyau d’étudians ; mais il ne pense pas assurément qu’il ait fait assez. Il n’est pas trompé par les statistiques officielles : il sait bien que, si la Sorbonne et cinq ou six facultés de province commencent à être entourées de véritables élèves, ailleurs le rôle des étudians est joué sans succès par une petite troupe de boursiers.

Ce ne sont là que les principales parmi les questions préalables que le gouvernement doit résoudre. Il n’en est pas une seule qui n’offre les plus grandes difficultés ; mais nous les voulons supposer résolues : serons-nous après cela au bout de nos peines? Nous serons seulement en présence d’une autre série de questions. Supposons que, dans quelques chefs-lieux académiques où il aura été satisfait à toutes les conditions exigées, on fasse des quatre facultés une université : aura-t-on du jour au lendemain des universités véritables? Non, car si les universités doivent être de grandes écoles intellectuelles et scientifiques, elles ne naîtront point de la juxtaposition, de quatre facultés, dont deux, celles de droit et de médecine, sont, avant tout, des écoles professionnelles, pendant que les deux autres, celles des sciences et des lettres, menacent de devenir des écoles préparatoires au professorat..

Le doctorat en droit et le doctorat en médecine ne sont ni l’un ni l’autre des épreuves scientifiques. Depuis longtemps, des hommes autorisés, des professeurs de la faculté de médecine de Paris ont émis le vœu que le doctorat actuel fût réduit à la condition d’un