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le mot pour se faire croire qu’on a la chose; mais il faut l’ajourner avec la résolution bien arrêtée de l’accomplir un jour et de la préparer sans relâche dès à présent. Le ministère de l’instruction publique a inauguré dans les dernières années une manière de procéder nouvelle ; il interroge sur tous les projets de réforme les facultés compétentes et publie dans une série de brochures les réponses à ses questions. Il comprend que ce qui intéresse l’enseignement supérieur doit être discuté par les membres du corps enseignant, qu’on n’obtient point de progrès par des décrets, que les vraies réformes doivent être voulues par ceux qui les appliqueront; enfin, que l’expression libre d’une opinion provoque le sentiment de la responsabilité dans le corps qui la produit. Faire discuter par chaque faculté ses affaires, c’est la préparer à l’autonomie. N’est-il pas possible d’habituer dès maintenant les facultés à se rapprocher les unes des autres, à délibérer ensemble? Les conseils académiques réunissent les représentans des diverses facultés : ils sont bien organisés pour discuter les grandes questions d’enseignement, mais leurs courtes sessions sont encombrées d’affaires diverses et il n’a point paru jusqu’à présent qu’ils comprissent l’importance de leur rôle. On obtiendrait de meilleurs résultats si l’on invitait les facultés à constituer sans pompe ni cérémonie, un conseil où chacune serait représentée par des délégués et qui étudierait les affaires communes. Dans ces conseils, on pourrait dresser, après mûre délibération, une sorte de cahier des charges où seraient énumérées toutes les conditions que l’état et telle ville, d’une part, les facultés, d’autre part, doivent remplir avant qu’une université soit établie en tel ou tel lieu. Et pendant cette période préparatoire, il appartiendrait à tous les hommes éclairés de faire une propagande ardente et patiente en faveur de l’enseignement supérieur et des universités futures, en montrant les bienfaits qu’on en pourrait attendre.

Pour parler d’abord des services qu’il est le plus aisé d’apprécier, les universités françaises, justement parce que chaque faculté sera pourvue de meilleurs moyens d’enseignement, donneront aux fonctions publiques et aux carrières libérales des hommes mieux instruits. Elles renouvelleront le corps de l’enseignement secondaire, où se trouve, au-dessous d’une élite, la foule de maîtres qui, pourvus du simple grade de bachelier, n’ont reçu ni éducation professionnelle, ni éducation scientifique et ne peuvent avoir aucun souci (n’en ayant pas même le sentiment) des grands intérêts intellectuels confiés par le pays à leur corporation. On ne sait pas assez qu’il n’y a en moyenne que deux licenciés dans chacun de nos collèges et que c’est là une situation humiliante. Or l’institution d’universités aurait sans doute pour effet d’achever ce groupement aujourd’hui