Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/701

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTÉRAIRE

Les Blasphèmes, par M. Jean Richepin. Paris, 1884; Dreyfous.

Si le bruit que l’on fait en ce monde était toujours en raison du désir que l’on a d’en faire, mais du mal surtout que l’on se donne pour le faire, personne assurément, depuis quelques années, n’en aurait fait ou dû faire davantage que l’auteur des Blasphèmes et de la Chanson des Gueux : M. Jean Richepin. Car à quels moyens bizarres ou violens n’a-t-il pas eu recours pour ameuter les badauds à ses trousses? Mais à quelles excentricités, — en prose comme en vers et au théâtre comme dans le roman, — ne l’a-t-on pas vu se livrer pour étonner, alarmer, et scandaliser le bourgeois? Voyez cependant l’infortune! Le bourgeois est demeuré calme; aux provocations de M. Jean Richepin c’est à peine si quelques naïfs ont fait mine de s’émouvoir; les autres, même à Miarka, la fille à l’ourse, et même à Nana-Sahib, encore qu’interprété par M. Richepin, n’ont donné qu’une attention distraite; et maintenant, pour l’achever, en attendant que les Blasphèmes succombent à leur tour sous la même indifférence, voici que ceux qui s’y laissent d’abord séduire les louent, en vérité, comme si c’était la première fois que le nom de M. Richepin éclatât en public! Plaignons sincèrement M. Jean Richepin. Était-ce donc la peine, depuis tantôt dix ans, d’avoir quotidiennement « éventré » quelqu’une des idoles du bourgeois, pour que ce bourgeois n’ait pas l’air de s’en être aperçu ni douté seulement? Comment va-t-il falloir s’y prendre pour tirer le philistin de la sérénité de son scepticisme? Et si les Blasphèmes n’y réussissent pas plus que la Chanson des Gueux, quelle ressource d’agitation restera-t-il à M. Jean Richepin? Déception douloureuse, déception lamentable, et lamentable à ce point que je voudrais ici, ne fût-ce que pour complaire à M. Richepin, pouvoir m’indigner et crier, comme il dit, à la garde. Et en effet je m’indignerais, et très volontiers, s’il