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les jours suivans, des divertissemens de toute espèce, bals, spectacles, comédies, grandes chasses ; il y eut aussi des carrousels où François déploya son adresse aux exercices chevaleresques; enfin, comme pour éterniser l’ère des cérémonies, l’ambassade vénitienne demanda que la célébration du mariage des deux époux fût renouvelée en public. La république ayant eu trois filles, Bianca recevrait ainsi les mêmes honneurs que ses sœurs aînées, dont l’une avait épousé le roi de Hongrie, l’autre le roi de Chypre. Deux sénateurs, Giovan Michèle et Anton Tiepolo, présidèrent à la solennité et posèrent la couronne sur la tête de Bianca; tout cela dans l’effacement absolu du pouvoir local et l’omnipotence de Venise apparaissant seule, afin que le monde apprît qu’en même temps que la grande-duchesse devenait la fille de la république, le grand-duc, par adoption réflexe, devenait son fils : or nous savons quel attachement une telle mère exigeait de ses enfans. Il s’en fallut de peu cependant que la cérémonie n’eût point lieu; le nonce apostolique s’y opposait sous prétexte que cet acte était exclusivement de la compétence du pape, mais l’objection fut écartée et, le 12 octobre 1579, jour de son couronnement, Bianca Capello reçut dans la métropole de Florence le bonnet à corne d’or des doges. « Le grand-duc avait expressément réglé que Bianca recevrait la couronne des mains de nos ambassadeurs, témoignant par là que Venise et la seigneurie en la nommant « leur fille, » l’avaient du même coup élevée au rang de grande-duchesse. » Ainsi par le François Molin, un des hommes d’état et des écrivains de l’époque, et si cette opinion n’est pas toute la vérité, elle représente du moins la manière dont on envisageait les choses au point de vue de la place Saint-Marc. L’histoire ne se répète pas, elle se rabâche : après l’aventure de Chypre, le roman florentin. L’héroïne s’appelait autrefois Catarina Cornaro, elle s’appelle aujourd’hui Bianca Capello, mais sans que la politique varie ; il n’y a de changé que les noms.


VII.

Étant donné le caractère de François de Médicis, sa raideur et son arrogance, on se figure aisément le rude effort qu’un pareil acte de subordination dut lui coûter. Venise prodigua les actes de déférence, affecta de le traiter en grand monarque, il n’en ressentit pas moins l’atteinte portée à sa dignité; mais, entouré comme il l’était d’ennemis secrets ou déclarés, que pouvait-il faire, sinon se jeter dans les bras du puissant auxiliaire qui s’offrait à lui? Presque tous les princes italiens le haïssaient; il vivait en de perpétuelles contestations et de rang et de titre avec Mantoue, Ferrare et Savoie, et dans Rome le parti des Farnèse ne perdait pas une