ayant pour base des moyennes générales. Mais, sans s’arroger
la tâche impossible de l’absolue justice distributive, qui aboutirait
à l’injustice, l’état a cependant, croyons-nous, un rôle à jouer dans
la circulation des richesses. Selon les purs individualistes, nous
l’avons VII, ce rôle serait tout négatif : « Laissez faire, laissez passer; » selon les socialistes, il consisterait à tout faire. Ni les uns ni
les autres ne nous semblent avoir compris les vraies attributions de
l’état. Ce dernier, outre la justice négative et répressive, a encore
une œuvre de justice positive et réparatrice qui lui permet de se
réserver des moyens d’action, des ressources, des capitaux, pour
les employer soit à la diffusion de l’instrument de travail par
excellence, l’instruction générale et professionnelle, soit à l’encouragement ou à l’initiative des institutions philanthropiques. Au lieu
de tendre à se dessaisir de tout ce qu’il possède ou peut posséder, les principes de la science économique autorisent l’état, en
face de la propriété privée et toujours sacrée, à former une propriété collective, à l’accroître, à l’employer au profit du plus grand
nombre. L’état pourra ainsi substituer de plus en plus aux impôts,
qui pèsent surtout sur les masses, des ressources qui lui soient
volontairement prêtées ou plutôt qui soient le revenu naturel de la
propriété publique. C’est, nous l’avons vu, le phénomène de la
plus-value progressive des propriétés qui fournit au socialisme
contemporain son principal argument; or il y a deux moyens de
faire tourner à l’avantage de la société entière une plus-value qui
tient à l’accroissement des relations sociales. Le premier, c’est de
faire circuler le plus possible le bénéfice entre les individus : pour
cela, il faut mobiliser de plus en plus la propriété, ce qui permettra
sa diffusion entre tous les individus et en même temps le groupement des propriétés par l’association. Le second moyen, c’est de
maintenir à côté de la propriété individuelle la propriété collective
et sociale, comme source de revenu collectif. Par là, les économistes
le reconnaissent eux-mêmes, on obtiendrait ce merveilleux résultat
de remplacer peu à peu les charges de tous par des profits pour
tous, de substituer à la dette publique une richesse publique, enfin
de dégrever entièrement ces énormes budgets qui sont une cause
d’inquiétude croissante. Ainsi c’est le libéralisme bien entendu qui
fournit la solution la plus philosophique du problème, car il laisse
leur juste part et leur libre essor à ces trois formes de propriété
également légitimes : les propriétés individuelles isolées, les propriétés individuelles associées, enfin la propriété publique et nationale. On pourrait résumer le libéralisme économique dans cette formule : — Les individus libres propriétaires dans l’état libre propriétaire.
ALFRED FOUILLEE.