Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/857

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jésuites ont prétendu que le christianisme fut prêché en Chine au vie siècle par des évêques nestoriens. Mais ces faits ne sont pas très certains. Il en est de même de l’opinion relative à la présence de saint Thomas dans nos contrées. Il y a eu certainement de très bonne heure une mission chrétienne en Chine : car on ne peut pas attribuer au hasard seul l’identité de certaines cérémonies bouddhistes avec les cérémonies du culte catholique. Quoi qu’il en soit, au xiiie siècle des églises chrétiennes existaient à Nan-King, et le fait est consigné dans les récits du célèbre voyageur Marco Polo.

C’est à dater du viiie siècle que le voile qui couvre le monde de la Chine est levé ; c’est le siècle des relations de l’empire avec les Arabes et c’est de cette époque que date véritablement notrq naissance historique dans le monde. Les relations écrites du séjour des Arabes dans nos contrées, relations écrites par eux-mêmes et dont il existe des traductions, témoignent de la prospérité de notre empire et obligent à admettre qu’il y a juste mille ans la Chine jouissait d’une brillante civilisation. Il est vraisemblable de supposer que les Arabes apprirent nos arts et s’approprièrent nos découvertes, qui parvinrent ensuite dans les contrées occidentales, où elles furent perfectionnées. C’est du moins une opinion que je crois avoir clairement démontrée.

xviii. — l’arsenal de fou-tchéou.

J’ai dit, dans le cours de ces études qui se rattachent à notre civilisation, que la Chine avait à maintes reprises témoigné de son désir de s’initier aux travaux et aux arts des Européens. J’ai démontré que l’esprit de nos institutions nous invitait à pratiquer les arts utiles et que le seul effort des peuples étrangers devait consister à montrer d’abord l’utilité de leurs nouveaux procédés et de leurs découvertes mécaniques. Je n’ai pas cru être excessif aux yeux des Occidentaux en réclamant pour mes compatriotes ce droit incontestable qui réside dans le choix.

Les jésuites, dont je n’ai pas besoin de vanter les excellentes méthodes quand il s’agit d’arriver à un résultat, avaient admirablement compris notre caractère, et il n’a pas dépendu d’eux seuls qu’ils n’aient pas rendu de plus grands services à la cause de la civilisation universelle. Ils savaient que tout progrès est lent de sa nature même et qu’il est la conquête d’un travail assidu au lieu d’être l’œuvre violente d’une conquête. Ils ont donc laissé en Chine de grands souvenirs, et je n’éprouve aucun embarras à le reconnaître en rendant cet hommage à la vérité.