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plusieurs de nos villes et de nos ports, des mines ont été mises en exploitation, un réseau de lignes télégraphiques relie diverses provinces de l’empire à la capitale, des steamers battant pavillon chinois font commerce le long de la côte et sur le cours de nos grands fleuves. Ce sont là des résultats qui font honneur à ceux qui ont contribué à les produire, et s’ils ne sont pas encore aussi complets qu’ils doivent l’être, ils attestent du moins qu’il y a eu un pas de fait dans la voie des entreprises industrielles. En outre, les livres de sciences, traduits en chinois, se vulgarisent parmi nos populations, qui n’auront plus peur du cheval de feu quand il fera son apparition dans les campagnes.

Parmi les étrangers qui ont ouvert le sillon de la bonne semence, M. Prosper Giquel, dont le nom est souvent prononcé en France quand il s’agit des choses de la Chine, occupe une place marquante, et, dans cet aperçu de l’influence exercée par la jeune Europe sur notre vieil empire, l’établissement qu’il a créé vient se présenter naturellement à ma pensée : je veux parler de l’arsenal de Fou-tchéou. Cette œuvre a eu, en effet, un grand succès, et si je me plais à le mentionner ici, c’est moins pour rendre hommage à l’habileté professionnelle et à l’énergie de ceux qui l’ont créée et dirigée qu’aux mesures administratives, établies avec une parfaite connaissance du caractère chinois, grâce auxquelles un nombreux personnel d’Européens et d’Asiatiques a pu vivre en bonne intelligence. Les règlemens qui ont amené ce résultat pourront servir de modèle chaque fois que des étrangers auront à fonder un établissement pour le compte de notre gouvernement ou de nos compatriotes. Il ne suffit pas cependant, comme on pourrait être tenté de le croire, d’être animé de bonnes intentions pour trouver le succès en Chine. Là, comme partout ailleurs, s’applique le proverbe : « Aide-toi, le ciel t’aidera ! » et s’il est besoin de le démontrer, la carrière de M. Giquel dans notre empire en est la meilleure preuve.

À son arrivée en Chine, M. Giquel était officier de marine. Dès les premiers temps de son séjour, il apprit la langue mandarine et se familiarisa avec nos mœurs et nos institutions. Dans les années 1862, 1863 et 1864, il prit une part importante dans la répression de la rébellion des Taïpings en organisant et en commandant, avec plusieurs de ses camarades de la marine et de l’armée, un corps franco-chinois dans la province de Tche-Kiang. C’est ainsi qu’il mérita et ses premiers grades dans la hiérarchie chinoise et les hautes amitiés qui le désignèrent plus tard au choix de l’empereur pour la création de l’arsenal de Fou-Tchéou. Des récompenses auxquelles tout le monde a applaudi l’ont porté, par la suite, à des dignités qui ne se confèrent chez nous qu’aux fonc-