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tionnaires du rang le plus élevé. Un arsenal est, dans le sens exact du mot, une manufacture ou un dépôt d’armes ou d’engins de guerre ; l’établissement de Fou-Tchéou ne fabrique ni poudre, ni fusils, ni canons. C’est spécialement un ensemble de chantiers et d’usines affectés à des constructions navales ayant pour but, non-seulement de construire des navires de guerre, mais de tirer parti des richesses métallurgiques de la Chine. Par les écoles qui sont attachées aux travaux, par les cours que font des professeurs européens, l’arsenal est aussi une école d’application. Les élèves qu’il a formés, et dont plusieurs ont terminé leur éducation en Europe, sont déjà des ingénieurs habiles, prêts à prendre la direction de plusieurs branches d’industrie déjà créées ou à créer.

L’inauguration des travaux a eu lieu en 1867. J’étais trop jeune alors pour apprécier les difficultés d’une telle entreprise, et mes souvenirs ne donneraient pas la mesure exacte des efforts qu’ils ont coûtés. Mes lecteurs me sauront gré de citer ici un des passages du savant Mémoire adressé par le directeur de l’arsenal à la Société des ingénieurs civils de Paris.

« Au commencement de l’année 1867, quelques travaux préparatoires, tels que logemens du personnel et magasins, furent mis en train ; mais ce n’est guère qu’au mois d’octobre de cette même année, au retour d’un voyage que j’avais fait en France pour réunir le matériel et le personnel, que les travaux de l’arsenal proprement dit ont reçu leur impulsion réelle. Je me rappellerai toujours l’impression pénible que j’éprouvai quand je me trouvai en face d’une rizière nue, sur laquelle il fallait faire surgir des ateliers. De l’outillage acheté en France il ne nous était encore rien arrivé ; nous nous trouvions dans un port qui ne présentait aucune ressource, comme machines et outils européens. Il fallait pourtant se mettre à l’œuvre. Une petite cabane carrée, la seule qui se trouvât sur le terrain et dont je ne puis vous décrire l’image, nous servit d’atelier des forges ; on y bâtit de suite deux feux, mis en train au moyen d’un soufflet chinois ; nous en tirâmes nos premiers clous. Avec des charpentiers indigènes, nous construisîmes des sonnettes pour enfoncer des pieux et nous procédâmes à l’installation d’un chantier. Pendant ce temps, les remblais étaient vigoureusement poussés, au moyen de douze cents hommes. Car nous avions à élever notre terrain de 1m,80 pour le mettre au-dessus des hautes crues, et comme il fallait calmer l’impatience bien naturelle des Chinois, qui demandaient à voir des résultats dans le plus bref délai, nous entreprîmes la construction d’une série d’ateliers en bois, sous lesquels furent placées une partie de nos machines-outils au fur et à mesure qu’elles arrivèrent de France. Ces ateliers improvisés exis-