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tent toujours, et l’arsenal présente ce spectacle assez commun, dans les créations nouvelles faites à l’étranger, de bâtimens construits à la hâte, à côté d’établissemens définitifs élevés avec un véritable luxe de matériaux et de main-d’œuvre. »

Tous les voyageurs qui ont passé à Fou-Tchéou et qui ont laissé des relations de leur voyage sont unanimes dans les éloges qu’ils ont décernés à l’institution de l’arsenal. Les résultats ont dépassé les espérances. Mais ce qui n’a pas été assez loué, et ce qui a ici une grande valeur, c’est la bonne administration de cet établissement, l’ordre et l’harmonie qui n’ont pas cessé d’y régner entre les Européens et les Chinois. Ceux-ci avaient l’administration de l’arsenal et en réglaient la discipline sous la surveillance d’un comité composé de hauts dignitaires de l’empire ; les Européens avaient seuls assumé la direction des travaux et de l’instruction. C’est à ce système que la petite colonie française de l’arsenal dut de ne rencontrer toujours que des difficultés aplanies, et que les uns et les autres n’eurent qu’à se féliciter et de l’énergie déployée dans le contrôle et des progrès réalisés par l’enseignement.

« Notre pays peut, je crois, dit M. Giquel dans le même Mémoire que je citais plus haut, retirer quelques fruits de cette création : la direction des travaux étant toute française, les chefs chinois sont à même d’apprécier nos méthodes de travail et nos procédés de fabrication. Les ateliers ont été organisés avec des machines-outils venant de France, et l’arsenal entretient avec notre industrie des relations suivies. L’instruction industrielle donnée aux élèves et aux apprentis étant également française, ceux-ci jetteront tout naturellement les yeux sur la France, lorsque les progrès réalisés en Chine leur feront désirer de sortir du cercle borné dans lequel ils sont encore restreints. »

Ces paroles, où respire un patriotisme élevé, exempt d’ambitions stériles, peuvent être citées sans regrets par un Chinois. Qui donc parmi nous ne battrait pas des mains en entendant ce noble langage animé de cet amour vrai de la patrie qui lui fait l’hommage, comme d’un tribut, de toutes les peines patiemment supportées, de tous les efforts réalisés, et qui salue l’avenir comme une espérance et une source de bienfaits ? Les institutions comme celles de l’arsenal de Fou-Tchéou sont grandes parce qu’elles créent des rivalités civilisatrices, et seules préparent le triomphe des idées généreuses qui rendent les peuples plus unis. C’est par elles, et par elles seulement, que naîtra le progrès.

Tcheng-Ki-Tong.