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toutes les œuvres de la statuaire grecque, un bout de rocher, l’indication d’une eau tranquille ou agitée, un tronc d’arbre autour duquel s’enlace une tige de vigne, une branche de chêne ou de laurier, ou bien quelques feuilles de lierre. Mais souvent ces troncs d’arbres sont tout simplement destinés à servir de supports aux figures, et ces feuillages, quand ils ne sont pas placés à côté d’elles pour mieux spécifier leur caractère, n’ont d’autre but que de faire ressortir, par un contraste voulu, la finesse du travail dans les chairs ou les draperies qui les avoisinent. À force de souplesse et de perfection dans l’expression des nuances et grâce à un ensemble d’analogies délicates qu’elle arrive à rendre d’une manière aussi fine que précise, la statuaire en vient à substituer à la nature elle-même ses propres créations, tout un monde de personnifications abstraites qui en symbolisent les aspects et dont la détermination est assez claire pour être reconnue par tous. La terre, avec ses moissons, ses pâturages, ses bois, ses sources et ses fleuves ; le ciel, ses astres et les divers phénomènes de l’atmosphère et de la lumière, la mer dans ses états les plus variés, trouvent ainsi leur représentation dans des œuvres d’une beauté et d’une puissance de signification singulières.

Dans le bas-relief, qui, se rapprochant davantage des conditions de la peinture, pourrait mieux se prêter à l’introduction des élémens pittoresques de la nature, la place que ceux-ci occupent n’est pas sensiblement plus grande que dans les statues elles-mêmes. Avec une vive intelligence des ressources de leur art, les sculpteurs grecs avaient reconnu qu’il existe pour ce genre des règles précises dont les modernes ont dû respecter aussi, après eux, la légitime autorité. Dans les ouvrages des bonnes époques, ils s’y sont toujours conformés et, afin de ne pas compliquer les sujets qu’ils voulaient représenter par des plans trop nombreux ou par des détails trop apparens, ils ont laissé aux fonds une extrême simplicité. Les arbres qu’ils y placent quelquefois ne sont généralement figurés que par des troncs tout à fait dépouillés ; ce n’est qu’exceptionnellement que leur essence se trouve spécifiée par quelques indications de feuillages exprimées d’une manière assez vague.

Pour toute cette période des débuts ou même de la maturité de l’art hellénique, à défaut des témoignages que nous fournirait la peinture proprement dite, nous devons nous contenter des informations qui nous sont offertes par quelques-unes de ses applications plus ou moins directes. Les études nombreuses dont les vases peints ont été l’objet nous permettent d’affirmer que non-seulement la représentation de paysages n’a jamais fait le sujet principal de leur décoration, mais que les rares détails pittoresques empruntés à la nature qu’on y rencontre y sont toujours traités de la façon la plus