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double. Le général Hoche se trouvait à quelque distance, et tout était décidé quand il est arrivé. Ce n’était pas ce général qui aurait annulé la capitulation. Mais Tallien et un autre représentant ne voulurent rien entendre.

Suivant M. de Grandry[1], c’est en présence d’Humbert seul que se trouve d’abord Sombreuil, et tout ce qu’il obtient, c’est la promesse pour les émigrés qui mettront bas les armes, — toujours à l’exception de leur général, — d’être traités comme prisonniers de guerre. Hoche ne se montre au dernier moment que pour refuser le rembarquement.

Enfin, d’après une dernière relation, celle du baron Lecharron, voici comment se seraient passées les choses : « M. de Sombreuil s’était retiré dans le retranchement.,.. C’est alors que deux officiers généraux se détachèrent à cheval de la colonne ennemie pour venir à nous. Ils avaient le chapeau à la main et nous criaient de nous rendre. Les deux généraux s’étaient avancés vers un petit mur d’appui qui fermait la gorge de la batterie que nous occupions; M. de Sombreuil leur demanda quelle serait la garantie en cas de capitulation : « L’honneur et l’humanité française, » répondirent-ils. Et sur cette réponse terriblement équivoque dans la bouche de généraux ayant fait la guerre de Vendée, le naïf Sombreuil capitule.

Voilà donc six témoins également oculaires et d’égale bonne foi, — j’en demeure persuadé, — qui, sur tous les points, sauf celui de la capitulation elle-même et le sacrifice de Sombreuil, sont en complet désaccord. L’un a vu Sombreuil s’avancer tout seul au-devant des bleus; d’après un autre, il était accompagné de plusieurs officiers supérieurs ; tel le fait précéder d’un parlementaire et tel le fait sortir de Port-Aliguen, un pavillon blanc à la main. D’après celui-ci, c’est Humbert; d’après celui-là, c’est Hoche; d’après un troisième, c’est Humbert d’abord et Hoche ensuite; d’après un quatrième, c’est Humbert et Hoche ensemble qui règlent les conditions de la capitulation. D’après M. de La Roche-Barnaud, cette capitulation reste verbale parce que des deux parts on n’avait rien pour écrire; d’après Cazotte, elle aurait été écrite en double sur deux feuilles de papier, tirées du portefeuille de Sombreuil, et signée. D’après ceux-ci, Sombreuil obtient pour les émigrés, non-seulement la vie sauve, mais la permission de se rembarquer; d’après ceux-là, Hoche la leur refuse et ne consent à les recevoir à capitulation que comme prisonniers de guerre. Les uns ont vu Sombreuil aller à l’ennemi ; les autres ont vu deux généraux bleus s’avancer vers lui le chapeau à la main ; on se croirait à Fontenoy.

  1. Revue de Bretagne et de Vendée (1861).