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Tananarive ; sauf quelques rapides échelonnés à de grandes distances et qui forment bandages, il est navigable sur tout son parcours, jusqu’à la base même des collines, dont les étages superposés forment en quelque sorte le piédestal sur lequel s’élève l’altière capitale des Hovas. Les naturels ont su profiter, pour leur trafic, de cette voie facile de communication, et leurs pirogues, en nombre infini, ne cessaient, avant notre arrivée, de la parcourir en tous sens. Il est probable que nous ferons comme eux et que, grâce à des canonnières d’un faible tirant d’eau, comme celles que nous avons envoyées sur le Fleuve-Rouge, nous pourrons les utiliser pour conduire notre pavillon presque en vue de Tananarive. C’est évidemment là un des côtés vulnérables de nos ennemis. Les rivières de Mananzary et de Mouroundava pourront aussi, en raison de leur étendue et de la profondeur de leurs eaux, rivaliser avec les avantages que nous offre la Betsibouka et permettre à notre flottille d’y renouveler, sur certains points, les exploits du Tonkin.

Le trajet de Majunga à Tananarive a déjà été accompli par quatre voyageurs, dont trois français; ce sont MM. Guillain, Grandidier, le révérend père de La Vaissière et Joseph Mullens. M. de La Vaissière a parcouru la route en sens inverse, c’est-à-dire de Tananarive à Mazangaye[1]. Le commandant Guillain a mis seize jours pour faire son voyage et M. Grandidier seize également, M. J. Mullens quatorze et M. de La Vaissière treize.

D’après M. Guillain, le terrain est partout plat et peu boisé; on rencontre des prairies d’une grande étendue. Les bords des rivières sont garnis d’arbres, de bananiers, etc., et leurs eaux peuplées de canards, de sarcelles et sauvagines. Il y a abondance de volailles, pintades, perdrix, pigeons, tourterelles. On trouve de l’eau douce sur toute la route. M. Henri Descamps fait toutefois observer que cet itinéraire est le même que celui des courriers hovas, et que M. le commandant Guillain n’en donne la description que d’après autrui. Les renseignemens fournis par lui, selon des témoignages dignes de foi, ont été obtenus d’un Malgache et traduits pour lui par une femme qui lui servait d’interprète[2].

Voici maintenant la version de M. Grandidier, qui diffère de celle de M. Guillain. « De Nossi-Bé, je suis venu à Mozangaye, d’où j’ai réussi à monter à la capitale hova. Mon voyage a duré vingt-six jours, mon trajet de Nossi-Bé à Madagascar compris. Je tenais beaucoup à suivre cette route parce qu’elle s’écarte peu du cours d’une des principales rivières de Madagascar, la Betsibouka, et qu’il m’avait souvent été dit qu’on pouvait remonter ce

  1. Histoire de Madagascar, par le R. P. de La Vaissière. Paris, 1884; Lecoffre.
  2. Histoire et Géographie de Madagascar, par M. Henri Descamps j Firmin-Didot.