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fleuve en pirogue jusqu’auprès de Tananarive. J’avais pensé, sur la foi de ces renseignemens, qu’il ne serait peut-être pas malaisé d’ouvrir de ce côté une voie de communication sûre, facile entre la côte et la province d’Imerne[1]. Je me suis convaincu que la Betsibouka n’est pas navigable au-delà de sa jonction avec l’Ikoupa; des pirogues remontent cet affluent quelques lieues plus haut que la confluence, mais il faut encore, de là, au moins dix jours de marche, à travers un pays désert et très montagneux, pour gagner la province d’Imerne. J’ai fait avec soin le trajet de la route de Mazangaye à Tananarive. Averti par mes aventures précédentes et surveillé à chaque instant du jour et de la nuit par une escorte d’honneur composée de huit officiers et de douze soldats, je crus prudent d’abandonner toute idée de lever une carte complète du pays que j’allais traverser; je me suis contenté de prendre des latitudes et des longitudes toutes les fois que l’occasion s’en est présentée. Je pouvais, en effet, expliquer à mes gardiens d’une manière à peu près satisfaisante que ces observations me servaient à prendre le midi et à régler ma montre, objet connu des Hovas et fort admiré par eux: mais s’ils m’avaient vu viser des montagnes et des villes, faire un tour d’horizon, il est probable qu’ils eussent arrêté mes recherches dès le début du voyage. Pour arriver au but que je poursuivais depuis si longtemps de traverser plusieurs fois l’île dans toute sa longueur, il me fallait manœuvrer avec circonspection, et c’est pour cela que je me décidai à faire un simple levé à la boussole de la route que je suivais... On marche d’abord sept jours et demi à travers des plaines de formation secondaire, qui sont arides, couvertes d’arbustes rachitiques, et semée çà et là de lataniers et de petits bois. Dès qu’on atteint la grande chaîne granitique qui s’étend du 22e degré environ de latitude sud jusqu’au fort Kadama, on ne trouve plus, pendant treize ou quatorze jours, qu’une mer de montagnes sans un arbre, sauf quelques rares petits bouquets qui sont accrochés à des ravins, sans une plante autre que des herbes grossières. Ce pays n’est pas et ne peut être peuplé : ce n’est que depuis la prise de Mazangaye par les Hovas qu’on trouve quelques postes de soldats échelonnés sur cette route pour faciliter les communications[2]. » M. de La Vaissière ne nous donne pas, dans son livre, l’aspect de, la route qu’il a parcourue, et c’est une grande lacune, car il eût été facile alors de décider entre M. Guillain et M. Grandidier, quoique nous penchions pour la version donnée par ce dernier.

L’occupation de la baie de Passandava, ainsi que celle de Bavatoubé,

  1. On dit aussi Emyrne.
  2. Bulletin de la Société de géographie, février 1871.